ID : 108
N°Verso : 71
L'artiste du mois : Christian Renonciat
Titre : Christian Renonciat, au fil du bois
Auteur(s) : par Jean-Luc Chalumeau
Date : 11/12/2013



Christian Renonciat expose jusqu’au 19 janvier 2014 au Centre d’art contemporain de la Matmut à Saint-Pierre-de-Varengeville.

Christian Renonciat, au fil du bois
par Jean-Luc Chalumeau

En créant son œuvre, Renonciat la porte donc du même coup à une existence définitive ; elle n’attend plus que son regard, puis celui des spectateurs, pour être objet esthétique. Le sensible, ici pétrifié dans le bois, est la matière même de l’œuvre. Ce sont les caractères de l’exécution-création qui ont marqué l’œuvre. Le sensible est passé par l’homme, et ne s’est épanoui comme sensible que parce que l’homme a produit avec bonheur. « Matière des choses : le pli, le plein, la peau ; érotique de la peau. Rondeur, matière, maternité, chaleur, humidité sont les modes du corps ; plaisir de soi et répétition ; caresse. Dans le corps est une mémoire animale, fœtale, d’avant le verbe, dont les éléments sont l’eau et la terre, la laine, le drap, la voix... »

Le corps est toujours de la partie en communiquant à l’œuvre, par une sorte de connivence, la profondeur qui est en lui, cet interior d’où émane l’appel de l’œuvre. Comme l’idée monte d’une profondeur spirituelle, les moyens de l’exécution ont jailli d’une profondeur vitale. L’aisance du coup de ciseau a communiqué au sensible une grâce sans laquelle il n’est pas d’objet esthétique. Cela est aussi vrai, par exemple, pour Papier déplié, 9 plis, 2002 que pour Paquet couverture gansée – pin d’Oregon de la même année, œuvres « calmes » et impeccablement finies.

Mais c’est tout aussi valable pour les œuvres de la série Troublement commencée en 1989. Ce titre exprimait à la fois « cette idée de tremblement que notre corps ressent dans l’effroi pendant que la Terre bouge, et l’idée de trouble, autre émotion plus aimable qui loge dans le corps érotique ou ému ». Alors l’artiste a procédé par gestes plus larges et employé des outils mécaniques brutaux, dont il a « voulu garder la vigueur des morsures et la rusticité des tailles. » Ce pouvait être en bois d’ayous, en peuplier ou en tilleul, comme d’habitude et le sujet pouvait être un simple carton comme à l’accoutumée, mais violemment agressé, jusqu’à apparaître déchiré en deux morceaux irrémédiablement séparés. « C’est toujours le carton qui pose, mais il inspire ici une matière tellurique et primitive : c’est comme une roche en bois, ondulée comme la pierre volcanique brisée par un glissement de terrain... »

 

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