Andrée Philippot-Mathieu
par Bernard Point
Andrée PHILIPPOT-MATHIEU s'attache particulièrement dans Waste Lands aux zones périurbaines qui illustrent par leurs inscriptions aventureuses, la transformation mouvante de notre monde.
A la suite de cette constatation, je peux circuler sur les rails de voies ferroviaires qui font glisser la volonté de leurs tracés en s'interrompant souvent dans le fouillis de ces zones frontières. Quelquefois, la verticale d'un pylône me propose de m'échapper de ce désordre en gravissant une succession de châssis fortement marqués par la répétition des barreaux de ces échelles illusoires. Encore une fois mes interrogations font l'ascension de leurs doutes, sans pour autant trouver de réponse. Je peux ainsi monter jusqu'à buter sur le vide de grands réservoirs cylindriques qui n'apparaissent que par leur simple contour, en laissant leur matière métallique ou bétonneuse, dans le noir impeccable d'une question. Que va devenir la ville? Elle hésite entre un avenir encore troublant et un passé en voie de disparition. C'est alors que je me heurte à la luminosité violemment colorée d'un mot, apparaissant comme une enseigne, ou paraissant paradoxalement encore, évoquer le tag déliquescent d'une écriture illisible.
Imprégné profondément par cette succession d'images qui me laissent à la frontière de ces villes, qu'elles soient lointaines ou très proches, je m'offre le loisir de suivre en vidéo le véritable parcours en MUTATIONS sur la zone industrielle de Vitry/sur/Seine. Dés le début Andrée me perd au milieu d'un brouillage graphique qui évoque à la fois les arbres qui vont peut-être disparaître, ou les débris de toutes sortes qui jalonnent le sol.
Une musique scandée comme un prudent piétinement au milieu de ces déchets graphiques, rythme ma démarche hésitante. Je découvre les masses des structures d’engins qui peuvent traiter ces ordures, et où des hangars reconnaissables peuvent affronter un graphisme complexe, néanmoins enfermé dans des rectangles qui me font penser à la taille citadine d'arbres. Des croisements très métalliques, froidement bleuis, se permettent de cadrer des architectures assez archaïques, comme pour mieux les avaler ou les faire écraser par la brutalité de nombreuses roues. Tout ceci avant l'écrasement de taches végétales qui me paraissent se refléter dans de troubles marécages. Les métamorphoses que va vivre cette zone des Ardoines est ainsi évoquée en croisant en permanence la rigueur géométrique de ces industries et des passerelles qui franchissent des frontières, et le désordre d'une nature sauvage qui s'est développée sur le déclin de ce territoire. Cette vidéo passe de l'un à l'autre en terminant sur le parallélisme de rails qui deviennent les traits du soulignement d'une conclusion... en mutation.
Avoir vécu en mouvement cette succession d'images changeant en permanence d'échelle, me rattache profondément aux CITYSCAPES, dont la vidéo éponyme a été montrée lors de la Nuit Blanche 2013 sur un mur de la Promenade Plantée. C'est ainsi que ANDREE PHILIPPOT-MATHIEU de par ses habitudes à voyager dans le monde, sait remarquablement créer des traverses qui enrichissent notre questionnement.
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