Qu Qianmei, l'espace et le temps
par Jean-Luc Chalumeau
Prenons un autre extraordinaire tableau de la série Tibet : Séries A1, techniques mixtes 2010 (244 x 244 x 5 cm). Le mouvement de l’œuvre est ici circulaire. Les masses de matières que l’on dirait en fusion s’ordonnent selon une forme ovale située au centre de la partie supérieure de la composition, et au milieu de cette forme, se détache nettement un cercle inachevé. Le mouvement du tableau ainsi résumé exige que notre regard se pose sur lui un moment, le temps qu’il s’épanouisse comme la musique s’épanouit sous l’oreille, en même temps que par un mouvement inverse nous pénétrons davantage en lui.
C’est notre regard qui dure, et cette durée est requise par l’œuvre, non pas aussi rigoureusement qu’une composition musicale qui nous plie à son temps propre, mais assez pour que nous ayons le sentiment d’avoir trahi l’œuvre si notre attention a été trop brève. Il faut que nous permettions à l’œuvre d’accéder à elle-même et, peut-être, de délivrer son message qui est à l’évidence logé dans le cercle inachevé, centre à la fois géométrique et symbolique du tableau.
Dans la roue de l’extase, à la tête,
Se tient l’assemblée divine de Guhyasamâja
Qui ne distingue plus la force créatrice des canaux subtils.
Voici le cercle de la grande félicité.
Milarepa
Je ne sais rien des intentions de l’artiste, mais j’éprouve sa force créatrice, je distingue peut-être quelques uns des canaux subtils par où passent les modalités de sa création. Et ce que je distingue après avoir longuement regardé le centre de ce tableau carré, ne serait-ce pas le signe du cercle de la grande félicité ?
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