ID : 161
N°Verso : 110
L'artiste de l'été : JonOne
Titre : JonOne
Auteur(s) : par Jean-Luc Chalumeau
Date : 21/06/2018



Url : jonone.com/
 
JonOne expose à Paris
galerie Brugier-Rigail
40 rue Volta 75003
galerie-brugier-rigail.com

JonOne
par Jean-Luc Chalumeau

Devant l’espace vierge offert par le papier Hanji coréen préalablement marouflé sur toile pour donner plus de texture à sa peinture, il n’a pas d’idées préconçues, pas de message particulier à transmettre. « La peinture m’ouvre à moi-même, a-t-il dit, elle me permet d’entrer en communication avec ce que je suis. » Et nous là-dedans ? Il nous reste à savourer l’extraordinaire qualité picturale de ces tableaux, qui tient d’abord à la vérité qu’ils contiennent, une vérité triple sans laquelle il n’y a pas de réussite esthétique. Essayons de la déceler à partir de la série récente, intitulée Birth of the wind, exécutée en 2017 sur des papiers de 150 x 120 cm, sans titres, d’une étonnante unité dans leur extrême diversité.

Il n’est pas besoin d’être grand expert pour éprouver le fait que ces œuvres sont d’abord vraies par rapport à elles-mêmes. Vraies parce que chacune est achevée : on ne peut imaginer qu’elles aient besoin d’on ne sait quels repentirs ou ratures. Chacune s’impose souverainement. Un geste supplémentaire, et l’équilibre de l’ensemble serait rompu. Chaque pièce se présente à nous comme répondant d’avance à tous les « pourquoi », étant entendu que ces réponses ne s’adressent pas à notre entendement. Nous éprouvons la plénitude et la nécessité de ce que les esthéticiens nomment la « bonne forme » par une sorte d’engagement instinctif de notre corps. On ne résiste pas à l’impression d’aisance et de sûreté communiquée par toute œuvre de JonOne. En elle, rien ne sonne faux et c’est pour cela que nous l’éprouvons comme vraie. Ces réseaux calligraphiques imaginaires blancs sur fonds sombres, ou bien colorés sur fonds clairs répondent à l’attente qu’ils éveillent dans nos sensibilités. C’est à la simple perception que ces tableaux révèlent leur cohérence. On peut dire alors que c’est le sensible même qui s’est ordonné sous notre regard avec une rigueur évidente qui ne doit cependant rien à la logique.

Mais un tableau de JonOne ne peut vraiment nous toucher que parce qu’il procède d’une deuxième vérité : il n’est « vrai » que dans la mesure où il répond à une nécessité chez celui qui l’a peint. C’est là que la phrase citée plus haut prend tout son sens. Par la peinture, JonOne cherche à s’ouvrir à lui-même, c’est la peinture et rien d’autre qui lui permet d’entrer en communication avec son identité la plus profonde. Ce n’est pas par hasard que, dès son arrivée en France, JonOne a attiré l’attention de personnalités comme Agnès B ou Magda Danisz. Ces découvreuses de jeunes talents ont tout de suite vu en lui un artiste vraiment authentique, c’est-à-dire celui pour qui, lorsqu’il a décidé qu’une œuvre est achevée, c’est parce qu’un mystérieux accord s’est réalisé dans la matière même de l’œuvre, de telle sorte que c’est vraiment lui-même qui est en elle. Il y a chez JonOne, fait rare, une sorte d’a priori existentiel : pour lui, littéralement, faire et être sont une même chose. Il se fait en accomplissant son œuvre, non parce qu’il a prévu de la faire, mais parce qu’il s’est totalement engagé dans l’action de peindre (à ce titre, on reconnaîtra à nouveau en lui une certaine familiarité avec ce qu’Harold Rosenberg avait appelé en son temps l’action-painting). En tout état de cause, un tableau de JonOne manifeste certes en premier lieu une nécessité formelle, mais aussi en second lieu une nécessité intérieure qui est au cœur de sa création. JonOne crée selon ce qu’il est. Comprenons bien la différence qu’il y a entre un artiste comme lui et la multitude de ceux qui se contentent d’une certaine qualité formelle (qui s’apprend dans les écoles). L’histoire de l’art regorge d’épigones qui, ayant attrapé la technique de tel ou tel maître, en sont restés à leurs éventuelles réussites formelles. Non : il faut encore que le peintre nous ouvre la porte d’un monde par le moyen de son œuvre, et ce monde, c’est lui.

 

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L'artiste de l'été : JonOne
 
 
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