ID : 161
N°Verso : 110
L'artiste de l'été : JonOne
Titre : JonOne
Auteur(s) : par Jean-Luc Chalumeau
Date : 21/06/2018



Url : jonone.com/
 
JonOne expose à Paris
galerie Brugier-Rigail
40 rue Volta 75003
galerie-brugier-rigail.com

JonOne
par Jean-Luc Chalumeau

Mais cela ne suffit pas encore pour nous assurer que, dans le cas de JonOne, l’expérience esthétique serait autre chose qu’un jeu. Il s’agit de savoir si son œuvre est vraie par rapport au réel. Cette question pourrait sembler non pertinente ici, puisque cet art est abstrait. Disons seulement que même la peinture la plus franchement figurative ne sera de l’art qu’en renonçant à imiter le caractère de réalité du réel et que, dans le cas spécifique de l’expressionnisme abstrait de JonOne, ce qui est suggéré du réel ne se cristallise nullement en représentation : l’espace ouvert par la qualité affective d’un tableau aussi remarquable que Wanderlust (210 x 200 cm, 2014) par exemple demeure vide. Alors ? Le problème de la relation vraie au réel en dehors de toute représentation imitative peut être compris à partir de l’expérience de la musique. Ne disons-nous pas que l’allégresse de telle fugue de Bach nous ouvre le monde du compositeur ? Ce mot, monde, indique un rapport au réel : pas d’images pour illustrer ce monde, pas de concepts pour le décrire, et pourtant il est vrai. La fugue, comme le tableau, ont une rigueur inéluctable. La fugue est de la musique pure, Wanderlust est de la peinture pure, l’un et l’autre révèlent l’essentiel du réel sans que nous ayons à anticiper sur les objets qui leur donnent corps. Leur privilège est de nous apporter la signification avant les signes, le monde avant les choses. Quand il y a réellement art, la question de la vérité devient évidente. Même les mythes sont vrais : Prométhée est vrai comme est vraie l’Assomption de la Vierge par Le Titien. La vérité ne se mesure jamais à l’imitation, et la vérité d’un tableau de JonOne n’est pas dans ce qu’il pourrait raconter, mais dans la manière dont il est peint. Ici, un mot s’impose à nous, que nous n’avons pas encore employé à propos de JonOne : le style. Le miracle de l’art qui donne au sensible une plénitude et une nécessité ne devant rien à l’on ne sait quel savoir faire s’appelle en effet le style.

Nous parlions tout à l’heure de la sûreté avec laquelle JonOne exécutait ses tableaux, c’était aussi manière de dire qu’il a « du métier ». Mais ce métier, particulièrement évident, ne doit pas être confondu avec le style. La puissance de l’art tient à ce que les œuvres « nous atteignent à travers leurs styles », comme l’a démontré André Malraux dans une page célèbre des Voix du silence. Si le style est aussi métier dans le cas de JonOne, c’est dans la mesure où il lui permet de s’exprimer et d’être lui-même. Il y a style chez lui car nous discernons devant la série Birth of the wind une certaine relation vivante de l’homme au monde, et que l’artiste nous apparaît comme celui par qui existe cette relation, non parce qu’il la suscite, mais bien parce qu’il la vit. C’est la qualité de cette relation au monde que nous découvrons dans chaque œuvre à travers les traits du métier sans nous arrêter à ces derniers, sans même nous en apercevoir. Il est important de remarquer ici que les tableaux ne sont pas « finis » au sens où l’entendait Baudelaire quand il disait qu’il y a une grande différence entre un morceau fait et un morceau fini : « en général ce qui est fait n’est pas fini, et une chose très finie peut n’être pas faite du tout. » Les tableaux de l’ensemble Birth of the wind se ressemblent : nous l’admettons fort bien car cette ressemblance ne procède pas de l’application en série d’une même recette mais de la passion de l’artiste qui cherche à s’exprimer sans tricher.

 

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