Un post-moderne atypique, un irréductible romantique
par Robert Bonaccorsi
Aujourd’hui, Sergio Birga définit son travail comme un réalisme magique, vocable déjà employé à propos de la Nouvelle objectivité. Lieux périphériques, escaliers, toits, ciels, cirques, se déclinent en séquences maîtrisées (De mon atelier 2002, Orage sur Beaubourg 2002, La Gare d’Austerlitz 2004, Zircus K. 2005). La toile développe une mise en question du réel qui, par bien des aspects, peut évoquer le réalisme poétique du cinéma français des années 30 et son épuisement dans l’immédiate après-guerre. Expressionnisme, réalisme poétique, deux écoles s’interpellent, s’affrontent, s’interpénètrent, se répondent dans le cinéma par le biais de l’utilisation du décor et de la lumière. Tout cela se retrouve dans les toiles de Sergio Birga, vides de présence humaine, qui se donnent à voir dans une quête vériste dégagée de toute froideur mimétique. Sergio Birga, « peintre cultivé », révèle son originalité au confluent du cinéma, des arts plastiques, de la littérature. Sergio Birga, peintre littéraire ? Certes, si l’on prend pour référence Pierre Mac Orlan, Francis Carco, Pierre very… Sergio Birga, peintre cinématographique ? Pourquoi pas, si l’on évoque Marcel Carné (Le jour se lève, Les Portes de la nuit), Julien Duvivier (La Belle équipe, Panique, Voici le Temps des assassins et Paul Colin, Alexandre Trauner, Robert Gys et les directeurs de la photographie Rudolph Maté, Armand Thirard… Et qu’importe ici l’évidente contradiction entre le noir et la couleur,, entre l’image en mouvement et la constance du tableau. Nous parlons de lumière, de composition, de plan, de cadre, de contexte. La gravure et le dessin pratiqués avec brio par l’artiste favorisent par ailleurs le dépassement du conflit entre la toile et l’écran. Une objectivité poétique au service d’une poétique de l’objectivité. Sergio Birga s’apparente ainsi à un « peintre de la vie moderne » nondans le sens kaléidoscopique Baudelairien, mais dans la représentation subtile d’un temps provisoirement en suspension, d’une histoire qui ne se confond pas avec les affects contemporanéistes, de l’attente angoissée d’un avenir désenchanté. Un « post moderne atypique », un irréductible romantique.
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