Temps de la nature
par Jeanette Zwingenberger
L’alliance de l’homme avec la nature
Aujourd’hui l’artiste dialogue avec l’eau, qui nous apprend à contourner les obstacles. Il peint le cheminement d’un courant d’une rivière, le vert de la genèse les feuillages, la luminosité de l’air avec une multiplicité de blancs. Cette nouvelle thématique se veut purification, initiation et transformation.
Bien qu’absente de cet espace feuilleté de paysages, la figure humaine est présente par le spectateur qui se retrouve à l’intérieur d’une nature sauvage, composée selon le principe « all over ». La cascade bleue évoque ainsi des panoramas cinématographiques. La forêt fait écho à des paysages déjà vus. Ces tableaux apparemment réalistes appartiennent au nouveau cycle de Fred Kleinberg sur le paysage. L’artiste procède par thème, qu’il élabore pendant deux à trois ans et qui constitue une vision idéale d’une exposition. Son univers pictural se nourrit autant de ses lectures actuelles sur la géopolitique, des événements marquants que des expériences de voyages réels et imaginaires. Fred Kleinberg se souvient d’une fête bouddhiste consacrée à l’eau en Birmanie. La peinture figurative est son moyen d’expression, d’écrire son journal, elle se réfère ici autant à la tradition de Courbet qu’à Hokusai, qu’aux films récents. La mythologie personnelle de « GERMINATION » est issue de sa réflexion de l’être au monde, au sens d’une transformation permanente.
Cette exposition met en évidence les correspondances entre l’homme et le principe dynamique de la nature, inhérente à chaque être. « La transformation de la violence en beauté » dont nous parles Fred Kleinberg, aboutit à la nature sauvage, cette autre face organique de l’intériorité de l’homme. Au sens de Cézanne : « Le paysage se pense en moi et je suis sa conscience ». Cette invocation de la nature inscrit l’humain dans une cosmogonie en correspondance avec les éléments et les changements de saison, les cycles de la lune et l’alternance des marées basses et hautes.
Dans les dessins de Fred Kleinberg, la figure humaine est perçue comme un corps composite dont chaque partie est reliée à l’univers, appartenant aussi bien aux règnes végétal, minéral qu’animal. Compris dans sa relation avec son environnement naturel, l’homme devient alors une interface vivante, propre à suggérer une nouvelle alliance entre nature et culture. Celle-ci reconfigure notre statut de « maître et possesseur de la nature » pour mieux souligner ce qui nous constitue comme un « co-vivant ». Au moment où la biodiversité naturelle des environnements est le souci fondamental, la chair du monde, devient à nouveau un lieu d’initiation.
L'état moléculaire instaure alors une autre échelle : celle de la matière vivante. Les processus transformationnels et leur nature temporelle défont la préséance de la figure humaine, en soulignant la continuité complexe qui lie les êtres vivants dans le même humus. Elle l’inscrit dans la deuxième dimension de la croissance rhizomique de Deleuze : un continuum sans début ni fin, sans centre, ni périphérie. Cette phusis instaure un autre temps imperceptible qui n’est plus celui de la scansion, mais celui de l’immanence.
Jeanette Zwingenberger
Docteur en histoire de l’art,membre de l’Association Internationale des Critiques d’Art (AICA), elle a enseigné au College Internationale de Philosophie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Paris l’histoire de l’art ainsi que dans différentes universités: Paris et Tours (F),Freiburg (CH) et University of Chicago (USA).
Spécialiste de la Renaissance comme de la scène contemporaine, elle est commissaire d’expositions pour des fondations privés et pour le secteur public. Auteur de nombreux catalogues d’exposition de la scène internationale et de livres monographiques, elle collabore régulièrement avec art das Kunstmagazin, artpress, Beaux-Art Magazine, l’œil et le magazine pour l’Europe Paris-Berlin.
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