Philippe Compagnon,
50 ans de peinture
par Vianney Lacombe
Jusqu’au début des années 90, Compagnon peint de nombreuses toiles abstraites dans lesquelles la peinture à l’huile de ses débuts est remplacée par l’acrylique, dont le temps de séchage est rapide, et permet l’utilisation de caches pour tracer des aplats aux contours rectilignes et saturés par plusieurs couches de couleur. Le rayonnement de ces couleurs primaire est exalté par la présence du noir qui se déplace de toile en toile pour réaliser une œuvre unique composée de tous les tableaux successifs de la série présentée sur les murs du lieu d’exposition.
En 1993, le Musée des Beaux-Arts de Chartres organise une grande exposition dans laquelle Compagnon montre des sculptures, des peintures noires sur fond rouge réalisées spécialement pour s’intégrer dans l’architecture du lieu où elles sont présentées, ainsi que des toiles des années précédentes et des dessins monumentaux. Mais c’est aussi dans à cette occasion qu’il montre pour la première fois des toiles géométriques noires et blanches composées de barres ombrées perpendiculaires dont les bords dégradés introduisent la notion de 3ème dimension, immédiatement contredite par l’impossibilité de trouver un point de fuite à l’intérieur de ces fausses perspectives savamment ordonnées. Pendant plusieurs années, il s’attache à développer dans des formats de plus en plus monumentaux cet espace si particulier, composé de barres ombrées qui se multiplient à l’intérieur du tableau dans une mosaïque de lieux juxtaposés qui nient leur existence respective mais se conjuguent pour mettre en place l’existence d’une dimension supérieure qui est le format de la toile, seul capable de réconcilier ces univers parallèles dans une seule entité. C’est à ce moment qu’il développe une pratique du dessin monumentale basée sur les mêmes barres aux bords dégradés, mais avec des moyens différents de la peinture. Le fusain dont on peut modifier l’intensité sur le papier se prête à des grandes compositions dont il varie les contrastes et les valeurs, renforçant même son noir avec de la peinture lorsque le contraste avec le blanc du papier l’exige. Ces dessins entretiennent volontiers la confusion avec la peinture par leurs grandes dimensions, mais la marge blanche qui les entoure, ainsi que le verre qui les protège attire notre attention sur la fragilité du papier sur lequel ils sont réalisés.
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