ID : 32
N°Verso : 65
Les Artistes et les Expos
Titre : Auguste Chabaud, un artiste oublié...
Auteur(s) : par Gérard-Georges Lemaire
Date : 12/10/2012


« Chabaud, fauve et expressionniste, 1900/1914 », musée Paul Valéry, Sète, jusqu’au 28 octobre 2012. Catalogue : par Maïté Vallès-Bled avec une contribution d’Itzhak Goldberg, Au fil du temps, 300 p., 39 €.

Auguste Chabaud, un artiste oublié...
par Gérard-Georges Lemaire

Choisir de faire prédominer le gris est audacieux pour l’époque est assez contraire au principe solaire du postimpressionnisme et des « fauves ». S’il fallait le rapprocher de quelqu’un, ce serait du Norvégien Edvard Munch le précurseur de tous, « fauves » et expressionnistes d’Europe centrale et d’Europe du Nord. En somme, tout en s’étant rapproché de l’esprit pictural d’une époque, il s’en est éloigné d’emblée.

En 1909, quand il expose au Salon d’Automne et en 1910, quand il présente ses créations à la galerie Clovis Sagot, il a peint des scènes nocturnes de Paris (Magic City, entre autres) qui n’ont d’analogues que les scènes nocturnes de Carlo Carrà peu avant sa phase futuriste. Il est de plus en plus attiré par la vie des prostituées (comme ce fut le cas pour le peintre anglais William Sickert), avec une crudité rare. Plus il simplifie la forme, plus il la rend dure et blessante. Il ne fait aucune concession. Ses fonds rouges ne font que donner une résonance violente à des scènes troubles, comme Au Salon, 1907) C’est pourtant cette attitude intransigeante et assez peu dans l’optique de l’art de ses contemporains (cubisme seconde époque, rayonnisme, futurisme). De nombreux collectionneurs s’intéressent à lui (dont le Russe Morosov, collectionneur de Matisse et de Picasso) et il expose avec les plus grands d’alors. 1910 est son annus mirabilis. Deux ans plus tard, il se retrouve à la galerie Berheim-Jeune. C’est la consécration avec cinquante-trois toiles et un grand nombre de dessins. Et en 1913, il est accepté à l’Armory Show de New York. En outre, il est présent dans les Salons importants et ses œuvres se vendent à de grands amateurs. La guerre met fin à cette période si faste. Pendant les années de conflit, il se limite au dessin – il n’a pas d’autre choix car l’artillerie ne permet pas l’exercice de la peinture. Mais si la vie reprend son cours en 1919 et s’il encore présent au Salon d’Automne et au Salon des Indépendants, son œuvre subit un fléchissement – un fléchissement déjà perceptible avec certains de ses Clowns brossés à la hâte des années sept et huit. Il épouse une pente qui rend ses figures caricaturales et grossières. Il change de manière, mais ne retrouve plus la fougue d’avant guerre. Quand il s’installe dans le Midi après son mariage, les rapports avec Paris s’effiloche et, peu à peu, son art change radicalement de cap, sans pour autant devenir insignifiant.

Cette exposition est un enchantement car elle nous permet de faire la découverte d’un peintre original qui mériterait d’être bien mieux traité qu’il ne l’est. Si tout ce qu’on a l’occasion de voir l’été était du même tonneau, nous serions des dilettantes ravis...

Un dernier mot : qu’Auguste Chabaud ait été oublié de tout le monde n’est peut-être pas tout à fait exact. Il suffit de regarder Chez Maxim’s (1907) : les deux hommes en tenue de soirée noire et blanche rappelle avec une évidence frappante les figures d’hommes de Jean Hélion au sortir de la seconde guerre mondiale...

 

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