Entretien avec Benjamin -
par Daphné Brottet
Daphné :
Comme un moment en suspens où rien ne bouge sans pour autant être figé. C'est cela que vous
recherchez dans votre peinture, l'état de suspens?
Benjamin :
Complètement.
Daphné :
Ce suspens m'apparaît comme une absence du corps, du moins, une absence de représentation des corps. Dans votre série de tissus Vichoura et Au Grand Mogol, les vêtements flottent dans l'espace. Il n'y a pas de corps qui portent les vestons, les robes. De la même manière, pour Le joueur de fifre, il
semble se produire comme une extraction du corps pour ne voir que l'enveloppe des vêtements.
Ceci contraste avec la composition et le travail qui est réalisé sur la toile. Certains tableaux révèlent avec dynamisme la peinture s'est construite...
Benjamin :
Tout à fait. J'ajouterai que c'est une sorte d'hommage à Manet que je fais.
Daphné :
Pourquoi Goya, Watteau, Manet, Van Dyck, Klimt... en particulier ?
Benjamin :
Pour revenir à Watteau, c'est le départ de mon intérêt pour la peinture. L'amour que je porte à
Watteau correspond au moment où je me suis fait happé par la peinture. A ce moment, je prenais
beaucoup de recul avec l'écriture. Ma frénésie de découvrir tout ce que pouvait contenir un musée a
débuté à cette période. C'est-à-dire, qu'en 1995, tout un imaginaire s'est construit autour et à partir de
Watteau. Il s'agissait des fictions que je me racontais. Je me racontais des histoires aussi avec Van
Dyck, pour les mains, par exemple mais Watteau est très important dans mon évolution picturale.
Daphné :
Cela voudrait-il dire que tout l'univers littéraire, de l'écriture et du déroulement des récits parasitaient
votre rapport à la peinture? Laquelle s'adresse à vous comme un récit?
Benjamin :
Oui et quelque part, depuis 3-4 ans, avec l'expo des tissus, il y a toute une partie littéraire que j'ai eu
envie de retrouver. Donner un titre au tableau est très important. L'univers de Gabriel Saint-Aubin, depuis le XVIIIème siècle, celui de Casanova aussi, jusque vers les années 1820, m'intéressent.
Mon histoire commence avec les plis de la robe de Watteau. Broder, tisser quelque chose sur près d'un siècle...
De la même manière, pour le Fifre, ce qui m'intéressait c'était le rapport au tissu, au tableau. Je suis passé derrière le tableau. Je voulais repasser derrière le miroir.
Le choix du Fifre est un désir de me rapprocher de la peinture; de continuer à travailler l'univers du vêtement, de l'uniforme, du portait en pied et aussi de la place de l'enfant dans la peinture. Aussi bien les princesses du Titien ou de Vélasquez, ou encore de Géricault que des portraits - celui de
Mademoiselle de Dreux enfant. Alfred de Dreux, peintre, était le voisin de Géricault.
J'ai toujours eu une passion pour Manet et pour Watteau. L'un apparaît comme le pendant de l'autre.
Et j'ai choisi Le joueur de fifre comme une mascotte...
précédent 1 2 3 4 5 6 7 8 suite
- Entretien avec Benjamin -
le 8 novembre 2012
par Daphné Brottet - Quand Benjamin fait du Fifre d'Édouard Manet le point de fuite de sa pensée sur le sujet de la peinture.
par Gérard-Georges Lemaire - Voyage en peinture
ou
Voyage au bout de la nuit
(mais c’est déjà pris)
par Odile Dorkel - Benjamin
par Sapho - La théophanie
Un homme et une femme regardent un tableau de Benjamin
par Max Guedj - L'art de l'effeuillage
ou L'étoffe des libertins
par Jean-Claude Hauc - L'œil écrivain
par Christophe Averty - Deux clins d'œil :
Gérard de Lairesse par Jean-Michel Charbonnier
et Le costume byzantin par Eudes Panel.
- Sensus communis. À propos des photographies de Philippe Monsel
par Luc Ferry - Banditi dell’Arte, une ontologie
de l’« hors normes » ?
par Marie-Noëlle Doutreix - Les tableaux Tounes Boules (turn cut)
d'Arthur Aeschbacher
par Gérard-Georges Lemaire - Une biennale pour l'architecture
partagée : une promenade dans l'arsenal
par Giancarlo Pagliasso - Tatline / art et monde nouveau
par Giancarlo Pagliasso - L'art et le cyclisme
par Leonardo Arrighi - Éloge de Simon Hantaï
par Gérard-Georges Lemaire - Philippe Richard
par Vianney Lacombe