Entretien avec Benjamin -
par Daphné Brottet
Daphné :
Une percée?
Benjamin :
Une percée. J'ai fait des tableaux avec des trouées, en entamant la toile, le support. Les trous
entraient dans la composition. J'ai ajouté des fonds, derrière, comme un double fond que j'ai recouvert
de bronze. Je dessinais dessus. Puis, on percevait des choses de loin et d'autres choses de très près.
Ce qui m'intéressait alors, c'était l'idée du retable que l'on ouvre et que l'on referme. Il y a des
peintures sur toutes les faces.
Daphné :
Vous positionniez des tableaux l'un sous les autres comme les tableaux de décor d'une pièce de
théâtre. Tous les récits se superposent. Ils glissent les unes à la suite des autres...
Benjamin :
C'est une question d'espace et de perspective.
J'ai aussi brodé directement des perles sur des parties de tissus. Quand je brodais de toutes petites
perles (grosses comme une tête d'épingle) sur du tweed, la perle, parfois, passait derrière. En brodant
des fragments, j'ai, comme cela, travaillé les deux faces de la toile. Je suis passé derrière le tableau.
C'est pour cela que je parlais de repasser devant le tableau. Je tenais à cette idée de travailler sur
l'aspect instable des choses. Donc, parfois, je posais des perles sur la tranche du tissage.
Daphné :
Vous tenez aussi à l'idée de travailler avec la contrainte du matériau, ses résistances pour surprendre,
créer de l'imprévu.
Benjamin :
Pour chaque matériau, je découvre son potentiel de résistance. Comment mon corps réagit vis-à-vis
des propriétés du matériau. La tension des toiles que l'on perce. C'est pareil pour le papier. La
manière de comprendre comment est fait le papier. Lorsqu'il est mouillé, il réagit dans un sens ou
dans un autre. Je tiens compte de toutes ces expériences pour les peintures à venir.
Daphné :
Qu'est-ce qui vous retient, de ce fait, d'aller franchement dans des épaisseurs des matériaux, de
travailler davantage dans ce sens ?
Benjamin :
Parce que ce n'est pas du tout mon histoire. Je travaille avec des fragments. La trame suspendue avec des petits bouts de papiers, des morceaux de tweed... Je travaille avec des miettes...
C'est un rapport de tensions avec les contraires qui m'intéresse pour la peinture-peinture, dans la peinture. Les jus qui imprègnent la toile. Le fil conducteur, c'est tout le travail de la peinture (les formats, la matière, les effets chromatiques...). Je privilégie certaines choses à d'autres. Je peux utiliser beaucoup le pastel parce qu'il y a beaucoup à explorer avec certaines techniques.
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