Entretien avec Benjamin -
par Daphné Brottet
Daphné :
L'emploi du noir a–t-il un rapport avec votre relation à l'invisible.
Benjamin :
Non. Pour l'invisible, ce serait plutôt de travailler un endroit précis du tableau sur un très grand format.
Par exemple, je peux passer environ une heure à faire de tous petits points à un endroit du tableau
qui ne se verrait pas au premier coup d'oeil ou à une certaine distance. La lisibilité que j'ai du tableau
est différente de celle que peut avoir le spectateur et je travaille en conscience de ses écarts de
visibilité.
C'est pareil pour les percées. Lorsqu'on s'approche, on perçoit des éléments qui font partie de la composition et qui sont de l'ordre du timbre poste en terme de taille. J'aime l'infiniment petit.
Daphné :
Donc vous travaillez l'ensemble avec des fragments très travaillés qui constituent des scénettes. Puisque vous vous référez beaucoup à l'Histoire de la peinture, qu'en est-il de l'intérêt que vous pourriez porter à Jérôme Bosch?
Benjamin :
Toutes les parties, et, de ce fait, l'ensemble est trop lisible. On voit tout. On lit en Bosch comme "à livre ouvert". Il n'y a aucune zone d'ombre. Bien que j'affectionne beaucoup son OEuvre, je me situe à son opposé, dans le sens où je préfère les zones d'ombres, les choses cachées. Pour moi, l'idée des scénette jouent avec le caché.
silence
Quelque chose qui me passionne beaucoup c'est le reliquaire. Les reliquaires sont de véritables petits théâtres baroques fabriqués en papier que les soeurs roulaient, dans les monastères, assemblés et qui créent des architectures tout à fait baroques, comme un microfilm.
Ces choses-là, miniatures, m'ont toujours fascinées. Dans l'histoire de la réalisation de ces objets, les plus beaux sont fabriqués au XVIIème siècle. Chaque rouleau de papier microscopique, sur lesquels on ne sait pas, d'ailleurs, s'il n'y a pas un message, quelque chose d'écrit, est disposé dans l'ensemble. C'est cet assemblage de toutes ces petites choses qui m'attire. C'est très mystérieux. Tout ce qui est invisible me fascine. J'aime l'infiniment petit et les codes. Je suis très fasciné par l'écriture codée, un message caché... Les choses que j'avais faites avec Goya présentées dans des boites de verre comme des objets faisaient face aux boites intitulées Abécédario...
silence
Une première chose que j'ai faite avec Watteau était un circuit à Paris de tous les lieux qu'a fréquentés l'artiste. J'ai fait des sortes de petites sérigraphies, environ 200. Comme sur des dominos, je mettais des pigments et du pastel sur une partie noire et sur l'autre partie, je peignais le W de Watteau. J'ai planqué les dominos dans des endroits les plus invraisemblables possibles de Paris. Je les cachais dans des soupiraux, sous des ponts, sous des pavés, derrière des gouttières, jusque dans des tasses....
C'est vraiment des choses de l'ordre de l'invisibilité, qui s'oppose à l'affiche (qui ne m'a jamais intéressé d'ailleurs). Comme des billets secrets. Le côté anonymat m'attire beaucoup.
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le 8 novembre 2012
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