Quand Benjamin fait du Fifre d'Édouard Manet le point de fuite de sa pensée sur le sujet de la peinture.
par Gérard-Georges Lemaire
Comment imaginer, si on les voyait seuls, que Le Mouchoir est du même auteur que Jules Branciforte forteresse Pettrella ont été produits par la main d’un seul et même artiste en l’an de grâce 2011 ? Dans le premier, le jeune garçon n’est reconnaissable qui si l’on connaît déjà la règle du jeu. Dans le second, ce n’est plus que son ombre - lie de vin très pâle - au beau milieu d’une effervescence atmosphérique.
Benjamin Lévesque n’a pas peur de pousser son raisonnement intérieur jusqu’à une frontière dangereuse ou de rapprocher Manet de Léon Baskt dans Sanseverina - la nuit, le bain de Cleilia Conti et de F. Del Dongo, avec une allusion au postimpressionnisme sur un fond noir et la moitié du corps du garçon aussi noir que la nuit picturale qu’il a engendrée.
Je le soupçonne fortement de chiffrer ses tableaux et de leur attribuer un sens romanesque que nous sommes (pour l’heure) incapable de percer à jour. Quoi qu’il en soit, ce qu’il peint séduit (c’est indéniable), mais aussi plonge dans le même embarras que s’est trouvé l’amateur devant la toile de Manet en son temps. Ce sont, par définition, des compositions inclassables, faites pour nous questionner plus que pour nous rassurer et, dans le doute le plus grand, nous offrir les joies sensuelles de la peinture, sans jamais revenir ce qui est à jamais révolu. Et pourtant, il ne coupe pas le cordon ombilical entre son modus operandi et les maîtres d’autrefois : il aurait plutôt tendance à resserrer les liens, mais en usant d’ellipses, de leurres et de faux semblants, d’escamotages soudain et de secrets de prestidigitateur.
Tout cela fait vibrer (l’émotion esthétique est omniprésente) et tout cela est fait pour faire en des termes actuels ce que Manet faisait avec obstination : réinventer la peinture avec radicalité en rendant son propos encore plus choquant en ayant recours à des thèmes célèbres fournis par l’histoire de ladite peinture.
Paris-Milan, octobre-novembre 2012.
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