Banditi dell’Arte, une ontologie
par Marie-Noëlle Doutreix
Les œuvres de Carlo Zinelli sont exposées de façon cohérente et offrent un ensemble fort agréable au regard. Ainsi, dix tableaux de même format ont retenu l’attention des commissaires d’exposition, dont quatre horizontaux formant par leur assemblage un rectangle qui aurait pu n’être qu’un unique tableau. Les six autres œuvres, mises à la verticale, sont installées côte à côte comme une histoire qui se déroule. Un jeu entre les formes et les couleurs est instauré par leur ordre. En effet, le premier, le troisième et le cinquième tableaux arborent des teintes brunes et rouges alors que le deuxième, le quatrième et le sixième présentent des silhouettes noires et longilignes, occupant toute la verticalité de l’espace disponible. Ces œuvres se répondent ainsi par leur disposition en un dialogue fructueux.
Les œuvres de silhouettes noires ressemblent étrangement à celles que Louis Soutter avait réalisées en Suisse, dans un asile pour personnes âgées, de 1922 à 1942. Rien n’indique que Carlo Zinelli ait eu connaissance de ces peintures, ce qui rend la coïncidence d’autant plus intéressante. Cependant, alors que Soutter portait une attention aux mains imposantes et noueuses de ses ombres fines mais courbées, les personnages de Carlo Zinelli se tiennent droits, et n’ont pas de mains, parfois même pas de bras.
On remarque que ceux-ci sont dans la majorité des œuvres, de profil tournés vers la droite, alignés vers un inconnu que nous ne percevons pas. Ainsi, dans Deux pinocchios noirs avec des pieds pointus[10] trois silhouettes noires sans bras avec de longues jambes fines, et des pieds tels des palmes pointues, se tiennent debout de profil. Des croix et des trous blancs sont inscrits dans leur corps. Leurs visages ne sont pas dessinés, ils paraissent porter un chapeau melon et possèdent un nez fin et pointu qui ressemble à leurs pieds. Sur le nez du troisième personnage sont posés deux petits personnages identiques à ce dernier mais avec des bras et sans nez. Ces répliques miniatures envahissent la quasi totalité de l’espace restant, disposées en groupes, dans plusieurs sens. Des motifs qui semblent décoratifs, des symboles, des lettres, et des éléments du monde rural accompagnent ces figurines. Un jeu géométrique est instauré par les cercles des trous, les perpendiculaires des croix, les triangles des pieds et des nez, renforcé par les différents axes donnés par les éléments en pointillé du décor. L’ensemble dégage cohérence et étrangeté, dû au caractère énigmatique du vocabulaire thématique et formel de l’artiste, à la fois figuratif et imaginaire.
[10] Deux pinocchios noirs avec des pieds pointus, 1967-1968,gouache 70 x 50 cm.
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