Une incroyable capacité à créer de l'inattendu
par Jean-Luc Chalumeau
D’où vient cette unité par laquelle l’exprimé devient un monde autonome ? Tout simplement de ce qu’à travers lui s’exprime la conscience de l’artiste. Il n’y a d’expression que d’une subjectivité : l’auteure, telle que l’œuvre la révèle, est la garante de ce que cette œuvre révèle.
Les tableaux de Catherine Lopès Curval ne sont donc pas seulement des accumulations de représentations d’objets disparates : ils obéissent à un principe supérieur d’unité parce que ce sont des objets esthétiques en tant qu’ils sont capables d’expression. C’est-à-dire qu’ils signifient non seulement en représentant, mais, à travers ce qu’ils représentent, en produisant sur nous une certaine impression, en manifestant une certaine qualité dont les mots ne peuvent rendre compte, mais qui se communique en éveillant un sentiment.
L’expression, chez Lopès Curval, fonde l’unité de son monde singulier. Il ne s’agit décidément pas de l’unité d’un espace percevable ou d’une somme totalisable. Il ne s’agit pas davantage d’une unité qui pourrait être saisie du dehors ; elle procède d’une cohésion interne qui se manifeste à la fois par ce qu’elle exclut et par ce qu’elle intègre.
Ce qu’elle exclut : malgré l’apparent mélange des genres (des éléments franchement humoristiques en côtoient d’autres, parfois dramatiques), est écartée toute concession au mauvais goût et aux facilités ambiantes. Il n’y a rien de compatible, chez elle, avec les théories fallacieuses, dites post-modernistes appliquées par un David Salle selon lesquelles l’art est fait d’inversions (le mauvais goût devient le bon goût, le laid devient le beau etc...).
Ce qu’elle intègre : parce que l’expression est principe d’intégration, le monde de l’objet esthétique selon Catherine Lopès Curval est incroyablement ouvert. Mais il l’est plutôt en in-tension qu’en ex-tension (ou, si l’on préfère, en profondeur) : il est une possibilité indéfinie d’objets liés, accordés à une qualité commune qui n’est autre que le style de l’artiste, ou encore les traits qui donnent le signalement de l’auteur (l’allongement des corps du Greco, les bâtonnets de couleur chez Van Gogh ...). Chez Lopès Curval, ils se reconnaissent au premier coup d’œil : le dessin impeccable de chaque figure (peut-être venu de son maître aux Arts Décoratifs, Georges Rohner), les références à l’histoire de l’art, pourvu qu’elles fassent partie de l’actualité (Munch, Cézanne, Picasso...) ou au cinéma (Alice s’enfonce, non dans un terrier de lapin, mais dans l’œil-objectif des génériques de James Bond...). Avec elle, la peinture parle du monde avec un détachement apparent et une lucidité aiguë qui ne trouve d’équivalent que dans la littérature : celle de Lewis Carroll entre autres. Tout ce qu’il faut, en somme, pour créer de l’inattendu...
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