In Memoriam Simon Lane
par Gérard-Georges Lemaire
Avec Simon, qui partait parfois longtemps pour faire des choses que je n’arrivais pas toujours à suivre (comme on exploitation vinicole au Portugal qui ferma juste quelques jours avant que j’aille le rejoindre !), demeurait une constante infrangible : l’écriture. Il m’envoyait ses textes. J’en traduisais et publiais quelques uns dans des revues. J’ai même faire traduire un de ses livres en français, The Vigil – le Veilleur. Dès que je mettais pied dans un journal, une revue, n’importe quel périodique, je faisais en sorte qu’un de ses écrits, un article, une nouvelle brève, puisse y être imprimé. Il voyageait sans cesse et franchissait l’Atlantique – mais il avait heureusement deux points fixes : le Royaume- Uni, avec ses parents, ses frères (il a un autre frère, Jeremy, mais qui n’est pas jumeau celui-là !) et, plus tard, sa fille, Shaidaj (cela remontait à l’époque où il habitait à Putney, comme l’avait fait avant lui le poète Algernon Charles Swinburne) – à l’époque, c’était un été glacial, il nous invitait Patrizia et moi, à prendre le bateau qui allait à Kew Gardens en début d’après-midi. Pourquoi cette passion botanique si soudaine ? C’est que le bar du navire de plaisance n’était pas soumis aux horaires inflexibles des pubs ! – et puis Paris, où, en dehors de moi, il s’était fait des relations et dont il aimait et les cafés et les restaurants – en somme le genre de vie ouverte et libre qu’il adorait.
Plus tard encore, il a
rencontré Betsy, une belle et charmante Brésilienne, qui
avait quatre filles à marier. J’ai crains alors que son
installation à Rio de Janeiro l’éloigna trop de notre
vieille Europe. Heureusement, cette dernière avait encore morceau
d’hôtel particulier Boulevard Saint-Germain, où nous
nous retrouvions pour dîner.
Nous nous sommes ratés en
Amérique latine car moi, je ne travaillais que dans les pays
hispanophones. Mais la Rive Gauche parisienne nous réunissait
encore et toujours.
Je ne voudrais pas que vous croyiez
que nous passions notre temps à boire et à nous adonner
à des vices gastronomiques. En fait, nous étions plus que
jamais liés par cet amour immodéré et presque absurde
de la littérature, la nôtre et celle que nous
découvrions de-ci et de-là.
Simon Lane était un
écrivain sérieux, je le répète, qui passait
beaucoup de temps à faire et à défaire ce qu’il
faisait. Mais une fois éloigné de sa machine à
écrire et ensuite de son ordinateur, il était incapable de
convaincre autrui de la valeur de ce qu’il écrivait. Il
faisait fuir les éditeurs. C’était un miracle
qu’il eut pu faire paraître des ouvrages aux Etats-Unis, au
Brésil, en Espagne et en France. Il n’avait pas le «
genre », le « style ” écrivain
professionnel. Je suis certain que si on lui avait demandé de
choisir entre passer la porte de Gallimard ou de Mondadori, de la Hogarth
Press ou de Farrar, Straus & Giroux, et participer à une
scène ébouriffante des Marx Brothers, il aurait choisi cette
dernière possibilité.
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