Au bar du Chelsea Art Club
par Steve Miller
A un degré plus profond, Simon était un poète. Il était immergé dans la langue portugaise, mais aussi dans la tradition poétique des plus grands écrivains du Brésil et du Portugal, à commencer par Camoes. Son amitié avec Tsunga lui permit de connaître Mello Mourao, un des poètes les plus fins du XXe siècle. Il me présenta plusieurs auteurs brésiliens et je pouvais difficilement abandonné les livres de Jorge Amado. Je lisais tous les ans sur la plage de Bahia où je me trouvais tout près de la demeure d’Amado à Ilheus. Il me donna aussi mon introduction à l’histoire du Brésil et l’intrigant récit de la nouvelle qui parvint à la cour royal portugaise en 1808. Il n’arrêtait jamais d’étudier ces grands poètes brésiliens et il les respectait parce qu’ils lui ouvraient les portes d’une authentique intelligence culturelle.
Une autre façon de comprendre Simon Lane est la musique de Bahia, en particulier Cactano Veloso, Samba Bosda Nova et Tropicalia, qui sont nés dans les profondeurs de l’esclavage pour se développer dans les favelas et émergeant à l’occasion comme protestation politique dans le mouvement tropical. Cette tradition musicale est l’un des grands cadeaux que le Brésil a fait au monde. Avec tout ce savoir accumulé sur ce pays et avec plus d’une décade de vie au Brésil, Simon a donné au lecteur le privilège d’une relation chaleureuse avec une vaste nation avec l’œil du poète pour observer et entendre le langage, pour étudier l’histoire et les mœurs, et pour révéler le sensuel surréalisme tropical qui rend le Brésil si fascinant pour le reste du globe.
Ce qui caractérise son livre Brazil, Eternal Promise par rapport à ses autres livres est qu’il remplace la narration par une astuce et un commentaire subtil et personnel. Sa voix claire captive comme si elle avait le pouvoir d’illuminer les choses. La structure de l’ouvrage est une collection de vignettes qui pouvaient être lues dans n’importe quel ordre. Il est facile et plaisant d’aller dans un sens ou dans l’autre et de relire au passage des passages précédents. Le plaisir de la lecture est si grand que vous éprouvez le besoin de lire lentement et de savourer chaque mot. Et pour goûter ce plaisir encore et encore, je n’avais pas envie de terminer ce livre ! Comme quelqu’un qui a du mal à dire « au revoir ». En effet, Simon rend évidente cette posture de pas dire « au revoir » in dans le passage suivant de Brésil, Eternal Promise. Le point de départ est ici essentiellement dramatique et chargé d’excitation, et remonte à 1988 et une relation mélancolique qui n’est pas moins douloureuse car elle s’est renouvelée si souvent, en sorte qu’une une tentative initiale de se lever du canapé, un nombre infini de marche en arrière doit être accompli devant le visiteur quand l’invité est près de la porte d’entrée, en un point de cristallisation générale créant l’impulsion magnétique qui est celle du mouvement du départ contrecarré par les manifestations d’affection et une succession poignante et presque insoutenable d’embrassades, de baisers sur la joue et de nouveaux rires culminant par l’acte final lui-même, la porte qui reste ouverte, et l’invité qui se trouve devant l’alternative sur le seuil de l’appartement entre le départ ou la décision de rester... Il n’y a pas de chagrin plus doux que le chagrin reporté à plus tard, car il est probable que l’ensemble du processus sera répété et tout un chacun qui est impliqué dans ce jeu a un cœur lourd, hélas, devenant quelque chose qui n’est plus une délectation, mais simplement un souvenir, jusqu’à la prochaine fois.
Et je lis donc ce livre lentement, relisant les mêmes pages encore une fois pour entendre la voix de Simon, pour rester près de lui, pour être installé sur le canapé et dire au revoir rien que pour me rasseoir une nouvelle fois pour savourer une autre gorgée de poésie.
Et quand j’arrive près de la fin, je ne supporte pas cette idée.
Traduit de l’anglais par Gérard-Georges Lemaire
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