Adel-Abdessemed : Coup de boule à l'art
par Giancarlo Pagliasso
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Il semble flagrant,
à la lumière de ces détails, que le travail de
l’artiste fait allusion à l’influence que des
événements sanguinaires de l’histoire et de la
société ont pu avoir sur des destins individuels.
L’installation
Hope (2011) est sur le même registre, même si son
expressivité est moins réussie. Elle se présente
comme une grande embarcation suspendue dans l’air avec des
câbles. Elle est remplie (en principe) de sacs noirs pour les
ordures. Elle renvoie sans doute à la situation de
l’émigrant que l’artiste a connue (pendant son enfance,
car il est ensuite allé aux Etats-Unis comme artiste
déjà confirmé). La dimension sociale de
l’émigration est rendue par une solution herméneutique
du travail, rendue, pour dire les choses simplement, par la
similarité entre la valeur presque inexistante des déchets
et la vie de ces pauvres hères qui s’embarquent sur des
radeaux de fortune, improvisés par des organisations criminelles.
Hope est presque comme une Arche de Noé contemporaine à la
dérive, en voyage vers l’espérance, et qui ne
paraît laisser transparaître d’autres significations. Le
rapprochement (peut-être voulu par l’artiste) avec Le
Radeau de la Méduse de Géricault que certains ont pu
avancer me paraît un peu exagéré. En effet,
l’œuvre d’Abdessemed ne parvient pas à susciter le
pathos métaphysique du sublime dynamisme qui parcourt le chef-
d’œuvre du maître français.
Les reproductions en terre
cuite de carcasses d’automobiles, qui gisent dispersées au
centre de la grande salle de la galerie, caractère
résolument « socio-politique » , qui se
traduisent déjà dans le titre Practice Zero
Tolerance (2006) qui se réfère aux désordres et
à la guérilla urbaine pendant la révolte des
banlieues parisiennes. Ici, une redondance légitime est
présente et s’étend aussi aux résultats de la
guerre du Moyen-Orient, surtout en Irak et en Afghanistan.
Pour présenter les
vidéos de l’artiste, qui ont parfois des contenus scandaleux,
un couloir séparé a été construit où les
spectateurs peuvent accéder après avoir été
averti des contenus qui pourraient le perturber.
En laissant de
côté Pressoir, fais-le (2002), avec le loop
d’un pied qui écrase un citron pourri, suggérant
au visiteur italien le traitement réservé aux contribuables
de la part de notre gouvernement vacillant plutôt que la
métaphore du jeu du talion dictatorial, quelques
considérations s’imposent à propos du rôle des
animaux dans son œuvre.
Il est évident que, comme un La Fontaine désenchanté,
l’artiste les utilise dans les films dans un esprit moraliste pour
stigmatiser les comportements humains. Il est néanmoins difficile
de séparer l’évidence de snuff movie de
toute autre intention véhiculée par un produit tel que
Usino (2008), où des exemplaires combatifs comme les chiens
pitbull, les serpents, les tarentules, les scorpions et les coqs
s’affrontent mortellement avec des crapauds et des iguanes dans
l’espace exigu où ils sont renfermés.
Lise (2011)
mérite un examen majeur : elle montre l’allaitement ou
pour le moins la succion d’un porcelet au sein d’une femme. La
scène est du niveau d’un oxymore construit sur le choc
provoqué par l’intimité dévoilée au
public, se prêtant de toute évidence à diverses
lectures. La plus évidente et immédiate est celle de la
zooérastie (la violence sexuelle pratique par les hommes sur les
animaux), s’appuyant sur les statistiques croissantes dans les pays
occidentaux, et puis celle de Circé avec la frontière
mythologique de l’éros (l’artiste a souligné de
vouloir donner forme à ses propres rêves). Dans cette
perspective, l’œuvre ne serait que la visualisation sans fard
de la position freudienne sur la perversité polymorphe de
l’enfant.
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