Adel-Abdessemed : Coup de boule à l'art
par Giancarlo Pagliasso
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L’atmosphère onirique du cauchemar l’emporte aussi
dans Who’s Afraid of the Big Bad Wolf ? (2011-2012),
la grande composition picturale placée sur le mur près de la
sortie de l’espace vidéo. Son format est identique à
celui de Guernica du chef-d’œuvre de Picasso tend
à préserver l’impact et la force expressive, la
rendant tangible et prégnante avec l’amoncellement de corps
d’animaux (renards, lapins, toutes sortes d’animaux des bois,
cervidés, loups), empaillés et carbonisés.
L’emphase « baroque » et nécrophile
constituant une sorte de memento mori formulé sous forme
de vanitas zoomorphes, qui fest rappelé par le petit
tableau de Monsù Desiderio de 1622, qui représente
l’enfer et qui est placé près du « bas-
relief ».
La violence par le biais
de la clef « esthétisante » et ornementale du
minimalisme, est aussi déclinée dans Wall Drawing
(2006). Ici, l’hommage à Sol LeWitt est explicite par le
truchement des cercles de fil de fer barbelé, disposés de
manière à dessiner une séquence
élégante sur le mur, qui sous-tend de manière
métonymique l’image d’une géométrique
ascétique de la construction (avec une référence
directe à Guantanamo).
De plus, l’utilisation des mêmes matériaux et des
mêmes préceptes revient dans Décor (2010-
2011). L’œuvre est la citation du tableau de Grünewald,
avec l’image du Christ en croix, transposé des deux dimensions
de la peinture à la troisième dimension de la sculpture.
Elle faite de fil de fer barbelé dont les pointes ont
été affinée avec des lames de rasoir.
L’ensemble est composé de quatre copies du Christ presque
identiques. L’image n’est pas neutre, même si
l’artiste déclare ne pas être intéressé
à l’aspect religieux. Pour lui, c’est un symbole
important pour des centaines de millions de chrétiens et l’un
des topoi, sinon le topos par excellence, de
l’histoire de l’art occidental, au point d’être le
véhicule de significations sans nombre, aussi religieuses
qu’historiques, sociales et artistiques.
Ce qui rend
« superficiel » la transcription de la douleur du Christ
dans la version d’Abdessemed, qui veut souligner la finitude de
l’homme dans l’acception du martyre, est la duplication
formelle d el’ imagé de Grünewald (l’original et
l’interprétation contemporaine ont été
exposés ensemble à Colmar). En d’autres termes, le
peintre allemand a rendu le message subliminal de son adhésion
personnelle à la nature la plus humaine que divine du Christ, en
rendant manifeste l’évidence charnelle de son corps et en
montrant la décomposition de son corps de Rédempteur par la
transformation synthétique rendue possible par les synecdotes de la
cause (fil barbelé et rasoir) à la place de l’effet (le
sang, les blessures).
Le résultat, pour
le spectateur, est plus sensible et plus sensationnel
qu’émotif, car l’intensité et la sublimité
intrinsèques du référent original ne sont pas
suggérées par les copies nouvelles qui induisent à
l’inverse un sens de danger et qui déplace
l’imagination vers des perplexités contenues et une certaine
circonspection.
En conclusion, Décor, avec la sérialité perturbante de ses éléments, organisés de manière savante pour solliciter plus la pruderie que la qualité esthétique dans la vision, fonctionne comme un révélateur pour l’entière poétique de l’artiste. Avec une artiste encore postmoderne, il oscille entrée des instances authentiquement réalistes au niveau de l’idéation et des redondances maniéristes au moment de traduite les élans imaginatifs en des formes significatives et expressives.
traduit de l'italien par Gérard-Georges Lemaire
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