ID : 67
N°Verso : 67
Les Artistes et les Expos
Titre : Giorgio De Chirico : dialogue avec la tradition
Auteur(s) : par Leonardo Arrighi
Date : 30/03/2013



Traduit de l’italien par Gérard-Georges Lemaire

Giorgio De Chirico : dialogue avec la tradition
par Leonardo Arrighi

L’exposition « Giorgio De Chirico et les livres » se présente comme un véritable itinéraire artistique. L’aventure commence à l’entrée du Palazzo dell’Archigimnasio (terme classique pour indiquer l’Etude bolonaise) Dont les escaliers somptueux, accompagne le visiteur vers la salle du Stabat Mater où se trouve l’exposition. Ce palais a été construit en 1563 et est devenu le siège de l’université déjà pluridisciplinaire de Bologne (fondée en 1088) ; le légat pontifical, le cardinal Carlo Borromeo, à la fin du concile de Trente, a favorisé la centralisation du savoir qui aurait pu être mieux contrôlé si tout était concentré en un seul lieu. Ses intentions n’étaient pas d’une grande noblesse culturelle, mais le résultat esthétique est sans nul doute admirable : une fois passée l’entrée, on se trouve au milieu d’une cour intérieure caractérisée par un double ordre de loges ; deux grandes escaliers mènent à l’étage supérieur, où l’on dénombre dix salles de cours et deux grandes salles, l’une étant réservée aux Artistes (aujourd’hui, c’est la salle de lecture de la bibliothèque) et l’autre, aux Juristes, rebaptisée Stabat Mater en souvenir de la première exécution de l’opéra homonyme de Giacomo Rossini, dirigé par Gaetano Donizetti le 18 mars 1842.

        Un prisme à base hexagonale accueille les huit tableaux de Chirico. Cette solution permet de jouir de ces œuvres de manière singulière, laissant libre cours aux rapports qui unissaient l’art du grand maître du XXe siècle aux trésors de la bibliothèque. Les libres choisis sont ouverts à des pages qui font écho aux toiles de Chirico. Les sujets choisis pour les gravures sont ôtés de leur contexte pour être réévalués de façon curieuse. La Place d’Italie (1954-1955) interagît sur Cléopâtre (ou Ariane endormie) de Jean-Baptiste Piranèse (1756)  : la sculpture féminine revit dans la composition de Chirico, qui la charge d’une forte symbolique et la place au centre de la peinture, dans une perspective accélérée, dense de mystère. Le temps semble suspendu, tout semble enveloppé par une atmosphère congelée, ce qui domine ici est le sens de l’attente de quelque chose d’indéfini qui, un jour ou l’autre, adviendra. L’Emblème de Bologne de Giulio Bonassone (dans Symbolicum questionum d’Achille Bocchi, 1555) offre un point de vue intéressant pour observer Les Muses inquiétantes (1972) ; les protagonistes, sans visages, dominent la scène et leur posture n’est pas due au hasard ; en effet, la figure au premier plan s’impose à l’attention du spectateur sur un mode emblématique, en cherchant à incarner les caractéristiques de la ville peinte sur le fond. Dans la Grande urne de marbre (1756), gravée par Jean Barboult, qui reproduit un dessin de Jean- Baptiste Piranèse, il est possible de remarquer des gladiateurs sur le sarcophage. Dans la toile baptisée Les Gladiateurs (1928), se découpent des corps soulignés par des ombres savantes aux muscles bien formés. Les visages des personnages sont ceints de casques et sont rendus indéchiffrables. La gravure Diane chasseresse (1585) d’Aliprando Capriolo et Flore (1734) de Giovanni Domenico Campiglia, comme Girolamo De Rossi, placent au centre de leurs compositions un sujet féminin repris ensuite par Chirico dans sa Diane chasseresse (1955). Cette toile est un exemple parfait du grand amour qu’il éprouve pour la tradition classique : la plasticité des formes, la composition équilibrée et plongée dans une atmosphère lumineuse contribuent à créer une peinture née de la volonté de se mesurer avec la réalisation plastique d’un corps humain – un ban d’essai pour affiner sa propre technique. Hyppolite et son cheval préféré sur les monts de l’île de Crète (1955) dialogue avec la gravure Deux cavaliers rendent visite à saint Benoît (1694) de Lorenzo Garbini et Giacomo Maria Giovannini. Le regard se concentre en particulier sur le cheval splendide qui – avec sa queue monumentale, une crinière fluctuante, qui ondule doucement sur le cou musculeux, - fournit une grande dynamique à l’œuvre.

 

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