Claude Simon : Transtextualité, le dévoilement oblique,
dans Le Jardin des Plantes
par Michelle Labbé
Ainsi, le souci de vérité, qui est souci de vivre, impose de dévoiler, sans concession, mais de manière oblique. La représentation représente l’impossibilité de la représentation. La transtextualité représente l’impossibilité de s’en tenir à une seule voix, qu’il s’agisse d’événements personnels ou historiques ou de théorie de l’art. On peut songer aux premiers vers d’un poème d’Emily Dickinson[50], qui réclamait que toute vérité soit dite mais de biais, parce que ce qu’elle craignait, elle, c’est que, dite de front, la vérité soit trop brutale. Pour C. Simon, il s’agirait de signaler, par différentes voix, l’insaisissable et intarissable imbroglio du réel, tant extérieur qu’intérieur à l’homme. Cependant, une autre interprétation serait admissible quoique risquée (car allant à l’encontre de cette méfiance des lectures qui s’éloignent du littéral), rapprochant Claude Simon d’E. Dickinson, rapprochant aussi l’expérience de la guerre pour Claude Simon de l’expérience de la déportation en ceci que ceux qui en sont revenus n’en reviennent pas tout à fait ; ils n’en reviennent pas du hasard qui les a sauvés. Ce hasard est trop extraordinaire, sa vérité trop violente. Leur vie préservée contre des centaines ou milliers d’autres sacrifiées ne leur paraît plus légitime, ne leur paraît plus qu’improbable. C’est leur propre mort qu’ils présentent sans cesse, le deuil d’eux mêmes qu’ils déplorent, par mille emprunts, mille biais, avec ce besoin d’amadouer, par l’appel à l’autre et par l’art, la souffrance constante de se sentir hors de soi et du monde.
[50] Dominique
Viart, Claude Simon. Une Mémoire en déplacements,
http://remue.net/spip.php?article891,
consulté le 22−10−2012 ( guillemets de l’auteur)
[51] Emily
Dickinson, « Tell all the truth but tell it slant »,
Tell all the truth, Barnes & Noble Classics Series,
2003.
précédent 1 2 3 4 5 6 7 8
- Une incroyable capacité à créer de l'inattendu
par Jean-Luc Chalumeau - Biographie de Catherine Lopes Curval
- Amélie Bertrand
par Vianney Lacombe - Esther Ségal, ou les métamorphoses de l'image capturée dans la chambre noire
par Gérard-Georges Lemaire - Adel-Abdessemed : Coup de boule à l'art
par Giancarlo Pagliasso - Giorgio De Chirico : dialogue avec la tradition
par Leonardo Arrighi - Sur la neige fraîche en miniature : « hors piste 2013 » au centre Pompidou
par Giancarlo Pagliasso - Le prisme des couleurs fauves
par Gérard-Georges Lemaire
- In Memoriam Simon Lane
par Gérard-Georges Lemaire - Au bar du Chelsea Art Club
par Steve Miller - Juste à la fin de l'année dernière...
par Nathalie du Pasquier - "J'ai du vague à Lane"
par Claude Jeanmart - True rouge
par Simon Lane - Les (in)connus
par Simon Lane - Simon Lane : bibliographie
- Claude Simon : Transtextualité, le dévoilement oblique,
dans Le Jardin des Plantes
par Michelle Labbé