La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Entretiens avec Francis Bacon, David Sylvester, traduit
de l’anglais par Michel Leiris, Flammarion, 256 p., 24 €.
Les conversations entre Francis Bacon et David Sylvester représentent l’un des meilleurs moyens d’accéder à la connaissance de l’artiste et de son œuvre. Leur actuelle réédition chez Flammarion est une excellente nouvelle. Il y a une densité dans le regard de Sylvester et une capacité à entrer « dans le jeu « du peintre qui sont remarquables. Au moins, celui qui s’intéresse à ce singulier créateur britannique qui a marqué de son sceau la seconde moitié du siècle passé doit le conserver près de lui. Cela lui évitera de se fourvoyer dans son jugement et aussi de comprendre la méthode de travail très particulière de cet homme qui paraissait n’en avoir guère. L’univers de Bacon est un univers en pleine déconstruction. Mais il n’en fait pas moins triompher la peinture. Ses références sont souvent tirées de l’art ancien – même s’il prétend avoir été à Madrid et n’avoir jamais mis les pieds au musée du Prado ! C’est entre 1962 et 1986 que ce dialogue se poursuit, donc sur un très grand arc de temps qui nous permet également de saisir les mutations dans sa quête artistique. C’est donc un livre à conserver avec la plus grande attention, car il ne fait pas que nous révéler les tenants et les aboutissants de la pratique picturale de Bacon : il nous ouvre certains arcanes de la modernité.
Georges de La Tour, Jacques Thuillier, 320 p., 35
€.
Un grand classique de l’histoire de l’art vient d’être réédités sous une nouvelle forme : George de la Tour de Jacques Thuillier. Ce dernier n’a pas été l’historien le plus avant-gardiste qui fut, tout au contraire. Il a même représenté le courant le plus conformiste. Mais son étude sur ce grand peintre qui représente le dernier écho en France de ce qu’on désigne à tort comme l’école du Caravage. Du Caravage, pour sa part, il n’a conservé que le jeu de la lumière et de l’ombre. Avec une certaine austérité, bien loin des scènes parfois effrayantes des caravagesques italiens, loin des anatomies d’un réalisme forcé (il y sacrifie parfois, comme le montre son Saint Jérôme, mais cela est assez rare), des compostions qui était la représentation d’un conflit théologique entre le monde du bien et celui du mal, il ne retient que la compénétration de l’immanent et du transcendant. Il a dépouillé ses mises en scènes, les rendant parfois d’une grande austérité. Il est le plus souvent allé à l’essentiel, mais sans jamais renier la poésie de ses sujets, surtout, quand il s’agit de sujets religieux. Même pour les scènes de genre – par exemple, les parties de cartes – il ne va pas jusqu’au grotesque et au libidineux. Il aime la pureté sans être jamais un puriste. On peut rétrospectivement lui reprocher d’avoir abuser d’un système avec l’éclairage du corps ou même seulement d’un visage. Et ce n’est pas tout à fait faux pour ses ouvrages mineurs. Mais il n’en demeure pas moins l’un des grands artistes du XVIIe siècle, peu apprécié de son temps. Il manifeste d’une délicatesse extrême dans le rendu des chairs, des vêtements et se révèle parfois virtuose, sans pourtant abuser de ses dons. Toujours avec retenue et pudeur. Cet ouvrage est une somme car il est doté d’un catalogue raisonné.
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