La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire

Bernard Aubertin, Œuvres récentes, Dominique Stella, Institut français, Milan,192 p.

Comme Christian Jaccard, l’œuvre de Bernard Aubertin joue avec le feu. Mais les principes qui distinguent les deux artistes sont bien marqués : le premier utilise des mèches d’allumages alors que le second a choisi de n’utiliser que des allumettes. Ensuite, Aubertin construit son œuvre en formant des arc des cercles et donc souvent des cercles avec les allumettes soigneusement alignées. Bien sûr, des variantes existent dans ce système, comme la série des livres brûlés de 2011, qui sont passionnant, mais qui n’ont pas la portée des grands livres brûlés par Anselm Kiefer à la Salpetrière il y a quelques années. Le problème que soulève cet artiste est que la pratique obsessionnelle touche vite ses limites. Il a un processus de création qui l’entrave. Mais cela ne signifie pas que son œuvre soit mineure ou médiocre, bien au contraire. Elle a sa place et toute sa place dans le contexte actuelle de l’art français. Dominique Stella l’explique fort bien dans le beau catalogue. Et le contexte présent lui donne même une plus haute portée, car on a le sentiment que le sol se dérobe sous nos pieds... En somme Aubertin est un des artistes qui mérite d’être placé sur un piédestal dans cette constellation dont Supports/Surfaces est le moyeu emblématique (ou symbolique, comme vous voudrez) et qui, jusqu’à présent, n’a pas être connu à sa juste valeur. Malgré mes réserves, je le répète, Aubertin est un des grands artistes de notre temps dans cet hexagone qui ne sait pas bien traiter ses créateurs !

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Mark Brusse, Clermont-Ferrand, sous la direction de Nathalie Roux, Editions Médiatrix, 64p.

Tout le monde se plaint (et moi peut-être le premier) de la médiocrité de l’art français. L’art français n’est pas plus médiocre que les autres et, ensuite, il recèle des perles. L’un de ces perles, c’est l’œuvre de Mark Brusse. Cet artiste d’origine néerlandaise est sans nul doute l’un de nos plus grands dessinateurs et ses compositions, qui s’inspirent des estampes japonaises et de la peinture chinoise, où l’on retrouve l’esprit des Nabis, de Munch, mais en adoptant une optique plus radicale et en n’ayant pas peur de sujets fantasmagoriques (dignes d’Alfred Kubin), peuvent être placées parmi les plus belles pièves d’une collection qui sort de l’ordinaire. Dans sa récente exposition au musée d’art Roger- Quillot de Clermont-Ferrand et dans le catalogue qui accompagne l’installation de sa sculpture monumentale dans le jardin Lecoq (Dans la mémoire des crapauds, 1997), il est possible de voir quelques unes de ses œuvres. Son attitude est impure car il ne s’est pas livré pied et poing lié à une manière de peindre et de sculpteur, les arabesques les plus raffinées pouvant voisiner avec des œuvres inspirées par Cobra ou, plus généralement, par l’art brut. Eclectique Mark Busse ? Non, point. C’est un homme qui pousse des recherches avec l’art d’un joueur d’échecs, qui doit manipuler des pièces ayant des formes et des valeurs différentes dans un univers où il est important de noter que l’Orient a son rôle – pas seulement une référence culturelle vague. Son œuvre sculpturale est beaucoup plus dépouillée que son œuvre picturale ou graphique, surtout ces derniers temps. Il y insinue beaucoup d’humour, comme s’il s’autorisait dans la troisième dimension ce qu’il pouvait difficilement faire dans le tableau ou le dessin. Cet aspect-là n’est pas du tout décevant, bien au contraire. Il nous donne une dimension plus ample de sa personnalité.

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La figuration a encore de beaux jours devant elle. La peinture est morte. Vive la peinture ! J’en prendrai l’œuvre de Catherine Lopès-Curval pour témoin. Sa récente exposition à la galerie Hélène Trintignan à Montpellier en est l’illustration par excellence. Elle a choisi le tango comme thème de son aventure picturale. Et elle a su avec les figures complexes de cette danse argentine faire naître cette poésie qui parle d’abord à l’œil. L’artiste a se don rare de transformer une image (quelque soit le thème abordé, les œuvres de Franz Kafka, celles de Lewis Carroll, pour ne prendre que ces exemples) qui peut avoir une origine littéraire ou une origine médiatique (une photographie vue dans un magazine) et de la recréer lorsqu’il s’agit d’un texte (lui étant à la fois fidèle, tout en l’interprétant avec liberté) ou de la métamorphoser à ses fins picturales. Mais les choses ne s’arrêtent pas là. N’étant pas une illustratrice, elle donne une nouvelle profondeur et une nouvelle intensité aux scènes ou aux documents choisis. Avec cette suite sur le tango, elle exalte l’essence et la beauté de cette danse, joue avec son histoire et sa mythologie

 

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