ID : 73
N°Verso : 67
Le Cinéma
Titre : Amour
Auteur(s) : par Julian Starke
Date : 30/03/2013


Amour
par Julian Starke

Amour de Michael Haneke : Amour, deuxième Palme d'Or pour le cinéaste Autrichien après le Ruban Blanc en 2007, est aujourd'hui nominé aux Oscars après une rafale de prix en festivals. Le film est donc en liste pour la deuxième plus grosse consécration internationale face à de grosses machines Américaines telles que Lincoln de Steven Spielberg, Django Unchained de Quentin Tarantino ou Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow.

Anne (Emmanuelle Riva) et George (Jean-Louis Trintignant) forment un petit couple d'octogénaires. Mélomanes et anciens pianistes, ils font partis d'une bourgeoisie très cultivée. Ils sont retraités, mais continuent de prendre du plaisir à vivre leur quotidien ensemble.
Le film commence par le concert d'un ancien élève d'Anne, Alexandre Tharaud (le vrai pianiste). Cette sortie, reflet de leur vie passée, sera leur dernière. Dès leur retour, nous ne quitterons plus leur bel appartement Haussmannien qui prend une importance primordiale. C'est ici que tout commence, le lendemain, lorsqu'Anne a une absence. C'est aussi ici que nous verrons la dégradation physique et mentale qu'elle subira aux suites de son opération ratée.

Une fois de plus Haneke se place en éducateur face aux spectateurs grâce à son outil préféré : la violence morale.
Comme tous cinéaste digne de ce nom, il se pose la question de « Qu'à t-on le droit de montrer au cinéma? ». Ce qui revient à dire « Qu'à t-on le droit de montrer ou de voir dans la vie ? » car le cinéma n'est que le reflet de celle-ci. On sait par exemple qu'il est interdit de mettre en ligne une vidéo montrant la mort d'un individu. Amour est certes une fiction, mais un réalisateur si précis, perfectionniste et manipulateur nous plonge dans les abysses de son film à travers l'épure et la sobriété.
Le spectateur est littéralement injecté dans ce huis clos, au même titre qu'une piqure on rajoute un élément extérieur au sein même d'un organisme. Haneke nous impose de regarder ce quotidien qui tourne au cauchemar. Ce à quoi il rétorquera que, si le film ne nous convient pas, libre à nous de quitter la salle. On voit ce que nous ne voudrions ou devrions pas voir, et cela est justifié par le côté réaliste qu'adopte l'oeuvre. On pense notamment à la scène de bain, ou l'infirmière douche Emmanuelle Riva qui, nue, hurle encore une fois la seule chose qu'elle arrive à exprimer « Mal, maal, maaal ! ». Il est compréhensible que dans un souci d'honnêteté le cinéaste ne veuille rien cacher, mais il est aussi humainement difficile d'imposer à une comédienne de 84 ans de jouer nue. Surtout lorsqu'elle incarne un personnage mourant, assisté d'une infirmière pour sa toilette. L'anecdote veut d'ailleurs qu'Emmanuelle Riva ait accepté après une longue discussion avec le réalisateur.
George en vient même à cacher sa femme à leur propre fille (le cercle le plus intime) déclarant que « personne ne mérite de voir ça ». Pourtant Haneke décrète que tout le monde doit, même nous parfait étrangers à ce couple. On se retrouve voyeur, nous ne sommes pas à notre place, et ce n'est en aucune façon aussi bon-enfant que le voyeurisme introduit par Hitchcock dans les années 50 avec, entres autres, Fenêtre sur cour.

 

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