Amour
par Julian Starke
Pour
ne
pas
atténuer
la
souffrance
ressentie
par
le
spectateur,
le
film
adopte
un
point
de
vue
très
réaliste
en
se
composant
essentiellement
de
scènes
du
quotidien
du
couple.
Il
y
a
un
côté
très
méthodique,
quasi
rituel
dans
le
choix
des
scènes
qui
peuvent
paraître
des
plus
banales
:
manger,
dormir,
lire,
écouter
de
la
musique
et
occasionnellement
recevoir.
Mais
il
faut
le
reconnaître,
on
retrouve
ici
la
puissance
du
cinéaste
à
travers
la
finesse
de
choix
des
scènes
et
de
son
écriture.
Le
quotidien
se
répète,
mais
sans
être
ennuyeux
car
constamment
renouvelé
de
détails,
il
nous
permet
d'observer
la
dégradation
subie
par
Anne.
Un
monde
sépare
la
Anne
que
l'on
découvre
fraîche
et
attendrissante
au
matin
du
premier
petit
déjeuner,
de
celle
à
laquelle
on
se
heurtera
plus
tard,
paralysée
et
quasi
muette,
refusant
d'ouvrir
la
bouche
pour
y
accueillir
la
compote
gentiment
proposée
par
son
mari
soucieux
de
son
alimentation.
Mais
le
réalisme,
ne
s'arrête
pas
là.
La
mise
en
scène
pure
et
sobre
offre
une
répétition
de
longs
plans
fixes
et
larges
qui
permettent
de
filmer
toute
la
scène.
La
caméra
tourne
et
l'action
se
déroule
devant
nos
yeux
comme
si
nous
étions
invités
à
regarder
leur
quotidien.
En
cela,
mais
aussi
grâce
à
la
direction
d'acteur
et
au
choix
des
comédiens,
le
film
se
rapproche
du
documentaire.
En
effet,
Emmanuelle
Riva
et
Jean-Louis
Trintignant
jouent
tous
deux
de
manière
retenue.
Leurs
personnages
sont
très
proches
d'eux
même
et
de
leur
milieu.
Une
certaine
magie
naît
de
cette
rencontre
entre
la
maitrise
de
la
mise
en
scène
du
réalisateur
et
de
ses
deux
comédiens
qui
ne
jouent
pas
mais
se
projettent
dans
une
situation
des
plus
probables
tout
en
gardant
leurs
personnalités
respectives.
A
cause
de
cette
justesse
de
ton,
l'histoire
impose
une
certaine
perversité,
un
aspect
«
télé
réalité
»
(dans
le
sens
originel
du
terme)
ou
expérience
socio/scientifique
à
la
Stanley
Milgramme,
comme
s'il
disait
:
«
enfermons
un
couple
de
personnes
âgées
en
passe
de
mourir
dans
un
appartement
et
filmons
les
».
Malgré
cela,
il
ne
s'agit
pas
seulement
d'un
sadisme
effréné
mais
c'est
bien
une
leçon
de
vie
par
l'amour
que
nous
livre
Haneke.
Ses
précédents
films
sont
marqués
d'une
violence
inouïe,
qui
semble
souvent
gratuite.
Effectivement,
Caché
ou
La
Pianiste portent
des
histoires
aussi
dures
qui
sont,
malgré
leur
incroyable
justesse,
inscrites
hors
du
réel.
Que
le
sujet
soit
la
névrose
sexuelle,
ou
les
problèmes
d'intégration,
Haneke
ne
s'intéresse
qu'au
côté
extrême,
peu
probable,
des
histoires.
Le
résultat
en
est
un
mal-être
intense,
si
grand
que
la
réflexion
à
postériori
n'est
pas
désirée,
et
les
évènements
relatés
sont
tellement
loin
de
tout
ce
que
l'on
peut
voir,
qu'on
en
tire
peu
de
choses.
On
pense
donc
que
le
réalisateur
est
aussi
torturé
que
ses
personnages,
on
ne
cherche
pas
plus
loin,
on
veut
s'en
éloigner
le
plus
possible.
Dans
Amour en
revanche,
le
sujet
en
lui
même
touche
tout
le
monde.
Chaque
génération
est
aujourd'hui
préoccupée
par
la
vieillesse,
que
se
soit
en
tant
que
petits
enfants,
enfants
ou
parents.
La
question
se
pose
de
plus
en
plus,
«
que
faire
de
nos
vieux
?
»,
si
de
toutes
façons
les
maisons
de
retraites
sont
sordides
et
coûteuses,
que
la
vie
ne
permette
pas
de
telles
cohabitations,
ou
bien
même
que
l'on
décide
de
ne
pas
passer
sa
vie
à
voir
mourir
ceux
que
l'on
aiment.
C'est
une
question
que
soulève
le
film
avec
la
plus
grande
froideur,
bien
que
le
thème
principal,
comme
son
titre
l'indique,
soit
l'Amour.
En
effet,
Eva,
la
fille
du
couple
(Isabelle
Huppert),
est
peu
présente
car
elle
même
musicienne,
voyage
énormément
et
parce
que
sa
vie
privée
l'a
menée
à
vivre
à
Londres
avec
son
mari.
Pourtant
il
y
a
bien
de
l'amour
filial
de
la
part
d'Eva,
mais
dans
les
faits,
elle
ne
sert
à
rien,
elle
n'est
capable
que
de
souffrir
et
de
s'éloigner.
Contrairement
à
ses
autres
films,
c'est
l'intime
qui
lie
les
spectateurs
aux
personnages,
l'identification
est
possible
pour
tous.
C'est
vers
une
prise
de
conscience
que
veut
nous
amener
Haneke
qui
tente
de
nous
ouvrir
les
yeux
sur
la
condition
de
ces
individus
usées
et
fatiguées,
en
nous
imposant
une
parcelle
de
leur
vie,
pendant
que
nous,
actifs,
vivons.
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