ID : 91
N°Verso : 68
Les Artistes et les Expos
Titre : L'envol, Marilena Vita
Auteur(s) : par Gérard-Georges Lemaire
Date : 24/07/2013



L'envol, Marilena Vita
par Gérard-Georges Lemaire

Alors le titre va m’aider cette fois. L’artiste a baptisé cette photographie Volatile (en italien car, en français, on pensait à un animal de basse cour ou à un pigeon ou à un corbeau !). Ce qui est volatile, quand on parle d’une substance, est ce qui se dissipe dans l’air. Un parfum est volatil. C’est son essence. C’est sa raison d’être. Une idée pourrait aussi l’être si elle n’a pas de poids. En revanche, un être peut-être volatil quand il veut à tout prix que nous voyions et que nous ne voyions pas en même temps. En ce sens, il est insaisissable.
Puisque c’est une femme qui a réalisé cette mise en scène et qu’il l’a ensuite imprimée sur le papier, disons qu’elle engendre une ambiguïté profonde et nous laisse en suspens, entre le ciel et la mer qu’on devine, à nous demander : ce que nous voyons a-t-il une réalité ou est-ce un songe matérialisé ? Est-ce un corps ou l’image déguisée d’un corps ? Ce corps en mouvement (il agite les bras, il semble prier, mais qui le sait ?) n’est-il autre qu’un paradigme, qu’un leurre, qu’une terrible tromperie ?
Le corps est bien ce que je vois sans le voir. Ce corps accompli un rite, une action, quoi ce soit qui ait un sens dans l’histoire narrée par l’artiste. Mais il y a-t-il bien une histoire ?
Mais est-ce le corps de l’artiste qui est en jeu ou son double ? Ou les deux ensemble ?
Un corps volatil, à tout prendre, c’est comme un rêve de Léonard de Vinci. C’est la réfutation ludique de la loi de la gravité d’Isaac Newton. C’est aussi l’abandon de nos certitudes. Voilà ce qu’il en est :  c’est le monde cul par-dessus tête. C’est je jeter dans le vide du cosmos. Sans scaphandre, sans rien.
Alors je lui demande et je vous le demande : ce corps, à qui appartient-il : à elle, à l’artiste, à moi et à nous deux, à celui qui l’a donné en spectacle et à celui qui accepte d’assister à ce spectacle ?
J’enlève le ciel, j’enlève le rocher, j’enlève la mer (virtuelle), j’enlève la couronne le diadème (qui n’existe sans doute pas), j’enlève les voiles, tous les sept sans en oublier un seul  (pas de Salomé chez moi !), et que me reste-il ? L’illusion de mon désir désirant.
Volatil et désirable, telle est la question – le désir n’est-il pas une chasse éperdue pour capturer des chimères ?
L’artiste est-elle une chimère ?

Gérard-Georges Lemaire
Milan, le 1er mai 2013

 

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