La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Le Tableau dans le tableau, André Chastel, « Champs Art», Flammarion, 112 p., 10 €.
Ce livre est une anthologie de textes extraits du livre d’André Chastel baptisé Fables, formes, figures. Comme il s’agit d’articles réunis, sans lien de continuité, ce choix peut se justifier. Le thème fédérateur de ce petit livre est le tableau dans le tableau, d’où son titre. Tout commence par l’introduction de la représentation de l’artiste en train de travailler, le tableau faisant partie des accessoires indispensables, cela va sans dire. C’est au milieu du XVIe siècle que s’affirme ce besoin des peintres de se montrer eux-mêmes et aussi de montrer leur atelier ou tout du moins leur travail. Les œuvres de Dosso Dossi et de Vermeer sont des allégories. Mais en même temps la mise en exergue de l’artiste qui n’est plus perçu comme un modeste artisan, mais comme un créateur pouvant faire être le sujet d’un tableau. Jusque là, hormis saint Luc, jamais la peinture n’avait été l’objet d’une telle attention (pour l’auteur, ce sont les Provinces Unies protestantes qui font disparaître saint Luc peintre). Souvent les artistes passent par des subterfuges, comme, par exemple, on le découvre chez Giorgio Vasari, avec L’Atelier d’Apelle - le grand maître de la Grèce ancienne pouvant être célébré comme un nom illustre de l’histoire classique. Mais c’est plutôt l’atelier de Vasari que le spectateur découvre. Puis le tableau fait partie intégrante des objets figurant dans un intérieur. Mais parfois avec quelque chose de plus qui modifie la signification de la composition, comme c’est le cas chez Poussin. Les développements de Chastel sont passionnants et nous conduisent ($o surprise) jusqu’à René Magritte, qui a cultivé cette relation « en miroir ».
Les Ecrits, volume 2 : 1996-2012, Daniel Buren, Flammarion, 2120 p., 35 €.
Daniel Buren est un graphomane. Même s’il a inclus dans ses écrits des entretiens, il n’en reste pas moins vrai qu’il a écrit une somme vertigineuse. C’est plus important que la poésie de Giovanni Pascoli ! Ce qui frappe d’abord c’est sa faculté d’engranger un nombre considérable de lectures, dont il sait faire un très bon usage, sans jamais citer personne (mais si cela est dommage, c’est son droit le plus strict). Ensuite, il sait capter l’esprit du temps, sachant critiquer à bon escient, mais en allant toujours dans le bon sens du poil : pas question de f^zcher conservateurs et autres potentats des musées ! Il explique très bien aussi son propre travail, sans d’ailleurs vraiment en parler. Il s’en tient à des descriptions assez sommaires et à quelques petites allusions fines, en évitant surtout d’aborder le fond du problème. Il it tout de l’art moderne (et quand je dis moderne, je veux parler de l’art de notre temps, dans le sens le plus large), il parle beaucoup de lui, mine de rien, et évite les polémiques sérieuses. Buren est un homme du consensus. Il est assez radical (croit-il) pour ne plus affronter des polémiques sévères qui, d’ailleurs, n’existe plus. L’art d’aujourd’hui est lisse, sans la moindre aspérité et pourtant il soulève bien des questions, à commencer par celui de Buren. Mais il aune réponse imparable : la largeur immuable des bandes de ses tableaux (8,7 cm !, le mètre étalon de la gloire dans ce contexte un peu perturbé). Eh bien, je recommande vivement la lecture de ce livre car, en l’ayant lu, on sait à peu tout de ce qui se dit l’art depuis 1960. Et où va-t-il cet art, et où va Daniel Buren, ça on le saura peut-être dans le troisième volume. Mais j’en doute fort.
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