La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Clèves, Marie Darrieussecq, Folio, 352 p., 6,95 €.
Il me semble inutile de comprendre d’où Marie Darieussecq tire sa notoriété. Non de son talent d’écrivain (cela semblerait improbable), mais d’une idée assez simple, mais assez efficace. Pour le comprendre, il suffit de parcourir quasiment n’importe lequel des journaux féminins. La sexualité, le corps, les soins, son bon usage (le bon escient) sont omniprésent comme les enquêtes diverses et variées sur la sexualité. Tout tourne désormais autour de ce moyeu et la mode n’est plus qu’un prétexte pour se plonge dans des abysses de lubricité qui ne semble plus déranger personne. Clèves est l’émanation directe de cette littérature, poussée un peu plus loin. Il est curieux de constater que les femmes de lettres (en tout cas celles qui ont une réputation en France) ne cherche pas à rivaliser avec leurs illustres prédécesseurs masculins (ou les rares femmes qui ont osé aborder un thème aussi dangereux, comme Pauline Réage) sur le terrain de l’érotisme. Le leur est celui de la pornographie, plus ou moins maquillée. Il faut reconnaître à Catherine Millet une grande droiture dans ses intentions en écrivant La Vie sexuelle de Catherine M. (nous laisserons de côté l’aspect autobiographique qui est une autre affaire, elle aussi de mode). Notre auteur va au plus cru sans ambages. Soit. Pas d’histoire à proprement parler, pas d’intrigue digne de ce nom, une composition du genre couper-coller et surtout des scènes d’une pure et simple obscénité. Mais ce n’est pas l’effroi causé par un acte mettant en cause l’être comme chez Klossowski, ni un dépassement des confins de la pensée comme chez Bataille. Non, du sexe, du vrai et en direct. C’est écrit à la va vite, dans un genre un peu populacier, sans la moindre précaution stylistique. La médiocrité de son écriture est compensée par ce vade-mecum du bien baiser, sans remords, sans fioriture et sans le moindre sentiment par-dessus tout. C’est Emmanuelle revue et corrigée dans une version hard et surtout sentencieuse : on y apprend une leçon. Et je ne sais vraiment quoi penser des donneuses de leçon, surtout dans ce genre d’argument. Nous voici bien loin de la Princesse de Clèves !
Histoires de Barcelone, Juan Marsé, Pedro Zarraluki, Tamòn de España, traduit par Jean-Claude Masson & Jean Noël Mouret, préface de J.-N. Mouret, Folio « bilingue », 208 p., 6,50 €.
Pour moi, Barcelone c’est Montalban, qui dépeint ses vieux quartiers mal famés et son inspecteur miteux qui est un as de la cuisine. C’est la Barcelone qui disparaît presque totalement avec les jeux olympiques de 1992, qui sonne le glas aussi pour la Barcelonetta et ses petits restaurants où l’on mangeait du si bon poisson au bord de la plage. Il ne reste plus pour ainsi dire que la Barcelone riche, celle qui n’a même plus le goût de se faire construire des immeubles splendides dans le style Art Nouveau sur le Paseo ou sur les Ramblas, celle du Liceo refait à neuf où les loges se louent à prix d’or, celle des musées modernes mais sans beauté. La présentation du traducteur laisse perplexe car il nous parle de la Barcelone triste de la période de Franco. Or, j’ai connu Barcelone à la fin des années soixante, quand ce dernier était encore bien vivant. Ce n’était pas une ville triste, on y chantait et on y jouait de la musique dans les petits cafés malgré l’interdiction bien en vue sur les murs ! On y vivait la nuit, il y avait encore un café chantant désuet, où l’on venait en famille tard le soir écouter des chansons égrillardes avec les enfants, Les jeux olympiques et l’Europe ont changé la mise et Barcelone est redevenue ce qu’elle était en partie, une ville riche, active, mais réactionnaire en diable, l’autre partie étant effacée, comme le Bario Cino où l’on ne pouvait aller qu’en taxi pour ne pas être dépouillé en chemin ! Le choix effectué ici de Juan Marsé, un auteur gris à l’écriture grise et de Pedro Zarraluki, qui n’est guère mieux, ne donne qu’un aspect de la ville catalane. Je ne retiendrai que l’extrait de Ramòn de España, qui dépeint le Paseo de Gracia-Provenza
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