La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Ici mon désir est ma loi, Théophile de Viau, choix et présentation par François Boddaert, « Orphée », La Différence, 128 p., 5 €.
Théophile de Viau (1590-1626) ne fait pas partie des poètes chéris par nos contemporains. C’est pourtant un auteur des plus singuliers, qui s’est essayé au théâtre. C’est, comme on disait à l’époque, un libertin, et cela lui a valu de passer deux ans en prison. Le préfacier nous déclare qu’il y a dans ses poèmes des éléments qui annoncent Rimbaud - c’est absurde. Mais ce qui est vrai, c’est qu’il a une liberté de langage peu commune et qu’il n’hésite pas à manier la langue vernaculaire. Théophile Gautier l’a exalté dans ses Grotesques et bien lui a pris. En effet, ce qu’il écrit est toujours surprenant, surtout quand il dérange. Quand il veut faire le poète sage, il est décevant et fade. Très inégal, il a pourtant assez de qualités pour que nous le lisions et en conservions la mémoire. Ici mon désir est ma loi est un excellent recueil pour nous familiariser avec son art poétique, et il comprend même des poèmes attribués qu’on peut qualifier d’une grande verdeur ! « A Monsieur du Fargis » est un long poème qui a lui seul nous oblige à nous pencher sur son cas et, en fin de compte, à le découvrir une bonne fois pour toute.
La Flûte de l’Infini, Kabîr, traduction inédite d’André Gide d’après la version anglaise de Rabindranath Tagore, suivi du recueil intégral des Poèmes traduit par Henriette Mirabaud-Thorens, édition de Jean-Claude Perrier, « Poésie », Gallimard, 192 p., 8 €.
L’histoire de Kabîr est entourée d’une série inépuisable de légende. On ignore quand il a exactement vécu. L’auteur de cette édition, Jean-Claude Perrier, nous parle de cinq siècles, sans autres précisions. Son œuvre elle-même est sujette à caution. D’aucuns affirment qu’il a été converti à l’hindouisme. Mais là encore, le doute reste de mise. Ce qui est intéressant est que c’est André Gide qui a traduit en 1913 la Flûte de l’Infini, après l’avoir lu en anglais, traduit en anglais par Tagore, auteur qui le passionna. Nous avons ainsi côte à côte les poèmes traduits par Tagore et ce que Gide en a tiré en français. A la fin du volume, Henriette Mirabaud-Thomas nous donne l’intégralité des poèmes. Que dire de ces poèmes ? Qu’ils ont le même air que toutes les poésies mystiques, quelque soit la religion impliquée. Ils sont assez beaux, on n’y parle que d’amour, de transcendance, de bonté, de toutes sortes de figures qualifiant l’union sublime - celle du lotus et de l’eau revient le plus souvent. Je dois avouer que j’ai bien du mal à fondre d’admiration devant ce genre de texte - part ceux de Jean de la Croix et de Thérèse d’Avila. Mais ils possèdent leur beauté et leur force, le texte de Gide tient et les nouvelles traductions sont convaincantes. Alors de quoi devrais-je me plaindre ?
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