La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
So shocking ! Alan Benett, traduit par Pierre Ménard, « Folio », 208 p., 6,50 €.
So shocking ! : Le titre aurait du m’avertir, mais je me suis laissé prendre au jeu. Ce livre n’est pas une farce, c’est un sacrifice consommé sur l’autel de la mode. Et la mode consiste à tirer les ficelles des plus bas instincts. Et tout se passe au-dessous de la ceinture, ceinture de robe de chambre de femmes entre deux âges, très respectables, dans une bourgeoisie très moyenne rendue de manière caricaturale. . Chacune d’entre elle ne voit pas ses choses se dérouler comme elles l’auraient souhaité. Les mésaventures burlesques de ces deux femmes pourraient faire rire si le roman était moins vulgaire et les ficelles moins énormes. Après plusieurs générations de romans de l’enfance au collège, nous voici maintenant face à l’affaire du troisième, qui n’est plus celui de la vieillesse, mais d’une phase de la vie où tout ou presque est encore possible. Ce n’est pas tant l’humour qui me choque dans ces pages, mais son mauvais usage et surtout le niveau assez médiocre de la littérature d’Alan Bennett qui fait feu de tout bois avec les nouvelles questions de société, non sans un certain cynisme.
Fragonard, l’inventeur du bonheur, Sophie Chauveau, « Folio », 544 p., 7,50 €.
J’ai lu tous les livres de Sophie Chauveau qui sont inspirés par les artistes (le Rêve Botticelli, l’Obsession Léonard, etc.). en fait, il ne faut pas être historien de l’art pour lire ces romans-là ! Celui qui vient d’être réédité par « Folio », est peut-être le plus réussi de tous car le sujet, Fragonard, se prête mieux à ce genre d’exercice. L’époque est plus à la légèreté, aux fêtes galantes que ce dernier a imposé comme genre à l’Académie royale de peinture et de sculpture, au libertinage. Cela convient à ce genre de fiction bâtie comme un roman feuilleton du XIXe siècle. Le plus grand défaut, à part les erreurs historiques et autres, c’est sa lenteur. L’intrigue, qui n’est pas bien épaisse, est diluée dans un océan de mots, qui n’apportent souvent pas grand chose à l’affaire. En somme, c’est un charmant roman pour plagiste acharné qui a tout le temps devant lui et qui peut rêver tout son soûl. Mais ce que nous conte l’auteur à propos du peintre n’est d’ailleurs pas stupide ou totalement imaginaire. Mais un travail d’écriture beaucoup plus serré aurait donné un peu de punch, d’esprit, de force enfin à son récit qui s’étire et qui semble long comme une journée sans fin ! Il est pourtant vrai que la vie de ce peintre qui a été l’élève de François Boucher et qui a donné dans le « grand genre » (le genre historique comme on disait alors) après avoir fait le Grand Tour en Italie, l’abandonne tout d’un coup pour des fantaisies légères et pleines de subtilités. Nous pardonnerons beaucoup de choses à Sophie Chaveau parce qu’elle a écrit des passages émouvants sur ce peintres qui, bien que célèbre, est bien mal connu.
Fragments du métropolitain, Jeanne Truong, « Feuilles », Beauchesne, 192 p., 12,50 €.
L’idée est intéressante : faire du métropolitain parisien le sujet de la fiction et non des personnages qui aurait quelque chose à y faire. L’auteur, cela n’est que trop évident, a passé son temps à arpenter ses couloirs, à circuler dans ses voitures, à explorer ses correspondances. Jeanne Truong a croisé toutes sortes de figures et en a fait des croquis souvent saisissants. Mais elle s’intéresse plus encore à l’atmosphère, aux odeurs, aux situations incongrues ou à celles plus banales, à traquer ce qu’un passager peut faire d’étrange en croyant que nul regard ne se pose sur lui. Elle monte que ce royaume souterrain est un macrocosme qui ne cesse de pulser et d’alimenter ses fantasmagories. La limite de son jeu est que le livre manque de points d e focalisation. Puisqu’il ne s’agit pas de récits à proprement parler, ce sont souvent des anecdotes accolées les unes aux autres avec ce seul point commun : tout se déroule dans le métro à Paris ! C’est un ouvrage qui ne manque pas d’intérêt, mais l’auteur aurait tout de même du faire un choix formel plus décisif pour donner corps à son projet. Disons que c’est un bel exercice de style. Mais qui demande à être confirmé.
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