Loîc Le Groumellec, Galerie
Daniel Templon, Paris.
Loïc Le Groumellec est né à Vannes en Bretagne en 1957.
Après avoir étudié à L’École des
Beaux-Arts de Rennes, il s’est rapidement installé à Paris
en 1983. La collaboration de la galerie Karsten Greve avec l’artiste
remonte à 1989 et se poursuit encore. Il a vécu et travaillé quelques
années avant de revenir à Paris. Depuis les années
1990 il expose un peu partout dans le monde ses peintures, lithographies
et dessins. Entre autres à Montréal, Lausanne (Galerie Alice
Pauli), à Milan, Stavelot, Cologne, Sydney, New-York et aujourd’hui à Paris
(Galerie Templon). Il est devenu un des maîtres d’une sorte
de minimaliste figuratif. Il a pris quelques thèmes de référence
: le mégalithe, la croix et la maison sont ainsi les prétextes
récurrents de sa peinture. La sobriété de ces fondamentaux,
leur caractère monumental, la surface et la matière jouent
un rôle essentiel dans sa préoccupation de « peindre
la peinture » et de tenter de mettre en oeuvre une « esthétique
de l’incongruité » dont l’objectif est la mise
en échec de toute interprétation esthétique, religieuse.
Cette recherche s’effectue selon divers formats, sans couleur afin
de radicaliser son propos. D’une certaine manière, à travers
ces figures emblématiques, il rejoint la préoccupation synthétisée
par René Daumal avec la formule suivante « Autant dire que
le cercle est le centre de l’être, la forme de son non-être,
le trou qu’il fait dans la réalité »
La
figure est donc le lieu prétexte,
le pôle où s’opère
le scellement, le tassement du réel.
Seul reste visible le vide qu’est
la peinture. Son creux à vif qui
n’enserre jamais la réalité mais
son manque. L’artiste appelle à une
vision antérieure, rupestre. Il
infuse aussi un autre désir : celui
de la résurrection de la peinture
dont la densité fomente le dévoilement
de ce qu’elle est. Émerge
une paradoxale incarnation, un refroidissement,
une évanescence qui laisse apparaître
non l’opacité du jour mais
du «tour». Loîc Le Groumellec
donne corps à l’autre côté de
la peinture : non à une autre matière
mais à un précipité.
Le peintre ne marche donc plus comme il
le souhaitait dans les Églises ou
les temples, il tourne en rond non dans
sa tête mais dans un atelier rupestre
afin de retrouver dans les cercles de ses
figures le compas du désert et l’expérience
même du lieu déserté de
l’être et de l’art. Il
passe d’un rituel sacré à une
image inavouable. Il s’éprouve
lui-même comme devenant f(l)ou. Dans
le rectangle, l’antre, la netteté naturaliste
de son périmètre. Un pan
laisse en suspens le statut de sa matière
- comme le mode de son accrochage sur le
mur.
Est-ce un trompe l’oeil, un lasso aux fantasmes ? Passons-nous d’une
illusion à une autre ? Rien de tout cela. Loïc Le Groumellec
se contente de rappeler que la peinture n’est rien d’autre
qu’une surface. Tout dedans. Rien dehors. Le spectateur s’immobilise
face à ces questions, incapable de comprendre pourquoi le noir se
donne comme un obstacle, un voile. Face au clivage blanc-noir, un malaise
nouveau s’installe, comme dans les situations où l’on échoue à repérer
les limites de notre propre peau. Au sein du rectangle de la toile, le
cercle de la féminité. Il n’y a qu’un vide plein
de l’évidence du rond noir sur fond blanc (surmonté parfois
d’une croix façon Malévitch) propre à replonger
l’homme dans la sensation de devenir encore plus f(l)ou. Une béance,
simplement une béance. Close ouverte. La peinture reste le seul
lieu de la séparation optique mais de la non séparation physique.
Rond arrêt, ouverture, continuité spatiale, conduite forcée
dans le cadre qu’elle abolit. L’artiste sait que devant le
vide et l’évidement on sacralise mieux mais grâce à l’ironie
du propos qui se moque de tout discours sur la peinture. Le Groumellec
marche, continue d’avancer. Sans attribut, sans poids. Sa voracité n’est
qu’atmosphérique, forcément. «Atmosphère,
atmosphère» se moque-t-il en artiste perfide qui donne à l’absence
la puissance du lieu.
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