Giulio
Turcato, la forma del fuoco, museo d’art
moderna,
Pescara. Catalogue : Mazzotta.
Giulio Turcato (1912-1995) est l’un des plus grands artistes de l’Italie
de l’après-guerre et pourtant il est complètement inconnu
en France. Natif de Mantoue, il a passé sa jeunesse et a
fait ses études artistiques à Venise. Résistant, il
participe à la fondation de groupes artistiques d’avant-garde
comme l’Art Club, Arte Sociale, Forma 1, Fronte Nuovo delle Arti.
Il évolue
rapidement vers une forme de figuration teintée d’abstraction
en refusant donc le formalisme pur. Des tableaux comme Usine et Chantier
naval témoignent de l’originalité de sa démarche.
Il
participe aux grandes polémiques sur la question du réalisme
lancée par Togliati, secrétaire général du
PCI. Tout en se déclarant un artiste engagé, il condamne
le réalisme dans un texte manifeste rédigé en 1947.
Il pense que l’art doit représenter son époque, même
si elle est chaotique et non reprendre à son compte l’héritage
du Caravage. Une oeuvre baptisée Comizio
(Manifestation) créée en 1949 est l’objet de nombreuses
variations.
Elle représente une foule et un certain nombre de drapeaux rouges
qui flottent au-dessus d’elle. Politique par définition, elle
revendique sa nature formelle spécifique en rendant la représentation
plus ou moins lisible.
Par la suite, il produit des tableaux qui abandonnent le plus souvent toute
référence au monde tangible, se dirigeant parfois vers un
art géométrique, parfois vers un art lyrique. Turcato n’étant
pas homme à entrer dans une école, il ne cesse de faire évoluer
son écriture.
Il en arrive à concevoir une peinture qui se regarde et se vit dans
le noir : il utilise un matériau fluorescent qui fait vibrer dans
l’obscurité ses arabesques. Quand cette même toile est
éclairée, elle devient différente. En sorte qu’elle
véhicule deux modes d’existence assez proches, mais révélant
chacun de nouvelles sensations. En réalité, il a exploré toutes
les possibilités
offertes par la peinture pour la transgresser, mais sans avoir recours,
comme Alberto Burri, à des matériaux hétérogènes.
A la fin de sa vie, il a réalisé de grandes sculptures (je
me souviens
m’être assis sur le quai à la veille de la Biennale
de Venise pour regarder avec lui le débarquement de ses grands totems
colorés) et a poursuivi une recherche à la fois rigoureuse
et
ludique, libre et régentée par des règles précises.
Ce mélange subtil est l’expression pure de la personnalité de
cet artiste qui ne s’est jamais pris au sérieux, mais qui
n’en a pas moins eu
une démarche d’une force incroyable, dépassant tous
les genres esthétiques de l’art abstrait de la seconde moitié du
vingtième siècle. |