Une rétrospective de loeuvre de Solange Bertrand est organisée au château de Courcelles, à Montigny-lès-Metz, ville natale de lartiste, du 13 mai au 16 juillet. Ce sont soixante-dix ans de peinture qui sont ainsi traversés : on pourra constater une remarquable fidélité de la grande artiste lorraine à sa manière très personnelle de conjuguer abstraction et figuration.
Devant tout tableau de Solange Bertrand, nous navons pas à imaginer ce qui lui manque. Pas plus quil ne nous faut reconstituer les bras manquants de la Vénus de Milo pour la considérer avec admiration, nous ne devons ajouter de cheveux à LEnfant au buste(1957) pour le voir comme une oeuvre achevée. Ce que nous finissons par comprendre, après être entrés dans lunivers de Solange Bertrand, cest que son monde, parce quil est monde possible, est toujours à létat naissant. Le monde ment quil le soit, si impérieusement quil affirme sa singularité, nest pas « fini ». Il est vraiment en gestation et cest pourquoi, si nous pouvons toujours le nommer par le nom de lauteur, il nous faut beaucoup defforts pour le conceptualiser. Cest que, devant un tableau ou un dessin de Solange Bertrand, nous ne pouvons en général que le « sentir ». Ce que le talent dexpression de cette artiste nous offre serait comparable à une matrice : lapparaître dune apparition ne franchissant jamais le seuil de la réalité. Il y a bien pour nous perception : une présence nous retient.
Mais cet objet perçu toujours se dérobe en même temps quil se révèle : fugace, instable, insaisissable est par exemple Lucie dans Hommage à Lucie(1975).
Cette absence au coeur de la présence est peut-être le secret de lattirance que nous éprouvons pour ces oeuvres. Grâce à renouveler ce que lon appelle lexpérience esthétique, celle qui tend à corriger linfirmité de la perception en cherchant la coïncidence avec loeuvre (on peut « se perdre » en un tableau !). Cest ainsi que nous rassemblons le voyant et le visible. Dès lors, la question de la ressemblance nest pas bien importante, à moins que nous parlions de la ressemblance au sens de Giacometti, qui disait volontiers que « la ressemblance, cest ce qui nous fait découvrir un monde possible ». Florence Bertrand est lartiste qui, sans relâche, aura fait découvrir à des multitudes de regards une infinité de réalités possibles. « Le but de lartiste est de conduire le spectateur au coeur même dune réalité quil ignore » a-t-elle dit. Au vu de sa rétrospective, il est clair que sa mission est accomplie.
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