Le bel autrefois |
La Peinture en acte, Bertrand Prévost,
préface de Georges Didi-Hubermann, Actes Sud |
Bertrand Prévost s’est
choisi un superbe champ d’investigation
: la gestualité dans la peinture de
la Renaissance. Malheureusement, son ouvrage
souffre d’un défaut congénital
celui du jargon universitaire (l’auteur
nous promet d’entrée de jeu
d’affronter de « lourds problèmes
historiques et théoriques »,
bien lourds en effet). Il faut prendre la
mesure de ce drame sémantique dès
la présentation : « La question
n’est pas « d’où parle-t-on,
des gestes de la Renaissance ? » puisqu’on
m’en parle d’à peu près
partout ; mais plutôt « Quelle
est la forme de problématisation du
geste de la Renaissance ? » comment
la Renaissance italienne a-t-elle problématisé les
gestes ? » Ce n’est pas tout
: c’est devenu un tic (ou un toc) de
la faculté en matière d’histoire
de l’art, aucun ouvrage ne peut se
concevoir sans une critique d’Erwin
Panofsky au bénéfice d’Aby
Warburg. Les arguments avancés par
l’auteur ne sont pas franchement convaincants
et, en fin de compte, on s’est moque
complètement puisqu’on attend
de savoir ce qu’il a lui à dire
sur la question. Eh bien, nous avons affaire à un
travail sérieux et honnête,
pas vraiment original, qui nous apprend tout
de même des choses sur la dame de cette
période et sur la théorie de
la grâce qui n’est pas sans rapport
avec le Livre du courtisan. En dépit
d’une recherche profonde, l’auteur
nous laisse un peu sur notre faim car il
ne suffit pas de mettre en relation la pensée
mathématique et architecturale liée à la
peinture et un nouvel art de vivre. L’histoire
de la philosophie a plus à nous raconter
que ce qu’il nous en révèle.
Et puis, la peinture commence à définir
le champ spécifique de son exercice
en créant ses propres codes (Prévost
le déclare, mais ne l’explique
pas), en accord ou en rupture avec d’autres
codes du goût, de la mode, de la littérature
et de la pensée de l’époque.
Panofskienne, ma lecture ? Au fond, l’iconologie
laisse une liberté pour déchiffrer
les oeuvres et est un système qui
peut être aisément amendé et
ce n’est, en fin de compte, qu’une
méthode de lecture, pas une idéologie
! |
L’Œil
révolté,
les Salons de Diderot, Stéphane
Lojkine, Editions Jacqueline Chambon |
Plus que toute autre chose, ce qui me semble le plus intéressant
dans l’essai de Stéphane Lojkine est la description des prolégomènes à la
rédaction des Salons de Denis Diderot. La première condition à cette
nouvelle aventure littéraire du responsable de l’édition
de l’Encyclopédie – en dehors du fait qu’il avait
terminé l’essentiel de son travail titanesque – est
l’intérêt croissant du public pour cet événement
artistique unique en son genre dans le monde. En 1759, 7000 livrets sont
vendus. En 1781, près de 17 000 brochures sont publiées.
Le nombre des visiteurs s’élève à 20 000, ce
qui est remarquable pour une ville qui compte alors 600 000 habitants.
L’auteur rappelle la longue histoire de cette exposition qui, à l’origine,
n’était qu’un accrochage privé à l’usage
exclusif des membres de l’Académie royale de peinture et de
sculpture. Le succès inespéré de cette manifestation
dès qu’elle a été ouverte à tous a, bien
entendu, suscité un autre intérêt, celui des nouvellistes,
qui se sont rapidement montrés désireux de la faire découvrir à ceux
qui n’ont pu la visiter, qu’ils soient en province ou à l’étranger.
C’est dans cette perspective que Frédéric-Melchior
Grimm, qui, après avoir repris Les Nouvelles littéraires,
crée en 1753 La Correspondance littéraire. La particularité de
cette publication est d’être manuscrite et de n’être
envoyée qu’à une poignée d’abonnés.
Mais pas n’importe qui : la princesse de Nassau-Sarrebruck, la duchesse
de Saxe- Gotha, Frédéric II de Prusse, Catherine II étaient
de ceux-là. Grimm demande à Diderot de rendre compte de cette
exposition tellement prisée et celui-ci se fait un peu prier, ou
feint de se faire prier. Il se prend vite au jeu et bientôt, à partir
de 1759, toutes les cours d’Europe peuvent lire ses visites au Louvre
qui allaient transformer la relation aux oeuvres d’art et fonder
un nouveau genre littéraire : la critique d’art. L’auteur
s’emploie à détailler le contenu des Salons de Diderot,
en apportant peu de nouveautés par rapport aux nombreuses lectures
faites de ces morceaux de littérature et son idée de la théâtralisation
de la peinture n’apporte pas une théorie novatrice et forte.
Quoi qu’il en soit, son essai permet de suivre l’écrivain
pas à pas dans une relation toujours plus intense avec l’oeuvre
et l’esprit de ceux qui les ont conçus. On peut donc considérer
son livre comme un bon vade-mecum pour aborder cet aspect de la pensée
de Diderot. |
Dialogue avec Delacroix Michel
Butor, Virgile |
Curieuse et intrigante entreprise que celle de Michel Butor déchiffrant
la Prise de Constantinople par les croisés, tableau qu’Eugène
Delacroix a peint en 1840. Il a voulu faire en même temps oeuvre
d’écrivain et oeuvre d’historien, ce qui nous donne
un singulier mélange. Ce n’est pas pour autant un échec.
Il a même produit un opuscule qui se lit avec intérêt,
malgré sa qualité d’hybride. En nous fournissant les
clefs pour comprendre la composition, il nous donne les moyens d’y
pénétrer et de nous attacher ensuite à en éprouver
la valeur strictement picturale, ce qui est absent de ses lignes. Peut-être
que si les historiens d’art procédaient plus comme l’a
fait ici Butor, les toiles anciennes nous seraient plus accessibles et
donc plus aimables. |
Modernités |
Le Pays fertile,Paul Klee, Pierre Boulez,
Gallimard.
sous la direction de Caroline Cros et de
Laurent Le Bon, préface
d’Olivier Kaeppelin |
Pierre Boulez a consacré un essai à Paul Klee. Qu’un
musicien de notre temps écrive un livre sur un peintre mérite
qu’on s’y intéresse. On sait le rôle que la musique
a joué dans la vie de l’artiste (il était premier violon
et a épousé une pianiste) – et, plus que n’importe
quel autre, elle a tenu une place prédominante dans sa réflexion
plastique. L’intérêt de cette étude consiste
dans le fait que Boulez ne cherche pas à dresser des parallèles
simplistes entre ces deux domaines de la création, si l’on
fait exception de la comparaison qu’il fait entre Picasso et Stravinsky.
Il est manifeste que Klee a tenté de transposer dans ses composition
la fluidité, les réseaux harmoniques qui se trouvent dans
une partition. Quand il enseignait au Bauhaus, il a même établi
une transposition visuelle d’une oeuvre de J. S. Bach. La limite
de ce que pense Boulez, et qui mérite d’être pris en
considération, c’est que tout peintre qui se respecte recherche
des harmonies ou, éventuellement des discordantes, des arpèges
ou des assonances. En somme, pour qu’un tableau fonctionne, il faut
qu’il trouve dans son propre langage les ressources lui permettant
d’atteindre les modes recherchés. Cela étant dit, Klee
se réfère peu à la musique dans ses écrits.
En revanche, il montre dans ses actes à quel point les jeux sonores
se transposent en des jeux optiques. Boulez avait découvert Klee à Avignon
en 1947 : Christian Zervos avait présenté une exposition
de lui au palais des Papes. Plus tard, Stockhausen lui a offert La Pensée
créatrice. De ces deux choses est née l’idée
de ce petit livre qui, ici, est richement illustré. Il ne nous donne
pas le sens de la Machine à gazouiller de Klee, mais il peut nous
mettre sur la voie. |
Contemporanéités et déconnexions |
Portrait de Mique l Barcelo’ en
artiste pariétal, Pierre Péju & Eric
Mézil, photographes d’Augusto
Torres, Collection Lambert/Gallimard |
Miquel Barcelo est, comme quelques-uns
des grands artistes de notre temps, un artiste
irrégulier – dans les deux sens
du terme. D’un côté, son
travail a un caractère baroque au
sens premier du terme, puisqu’il n’obéit
qu’à des règles établies
en fonction d’un projet limité dans
le temps (chaque projet impose ses matériaux,
son style, son esthétique propre)
; de l’autre, il peut se révéler
d’une créativité exceptionnelle
ou au contraire d’un mauvais goût
extrême. Les réalisations réunies
dans l’ouvrage proposé par la
Collection Lambert d’Avignon mettent
en relief cette curieuse disposition d’esprit.
Le pivot de cette publication est le spectacle
que Barcelo’ et Josef Nadj ont donné dans
l’église des Célestins
d’Avignon lors du festival de 2007
et qui était intitulé Paso
Doble. Il s’agissait d’un grand
mur en argile que l’artiste refaisait à chaque
représentation, qui était à la
fois le décor et le principal élément
dramatique de la pièce. L’aspect
le plus fascinant était que cette
paroi se métamorphosait sans cesse
et que les deux protagonistes devenaient
des figures d’argile portant des masques
fabuleux de terre jusqu’au moment où ils
finissaient par faire partie intégrante
du mur. En marge de ce spectacle, on peut
découvrir les esquisses laissées
sur les murs pendant les répétitions
et aussi la chapelle San Pere de la cathédrale
de Palma de Majorque, réalisée
en partie en terre cuite. Si l’artiste
fait montre de ces deux visages dans cette
réalisation et dans ce spectacle,
il faut reconnaître qu’il y a
fait la démonstration de sa capacité de
prendre de grands risques – en particulier
celui de verser dans le kitsch ou la surenchère.
En fin de compte, même si cette attitude
le dessert parfois, elle lui permet d’accomplir
des miracles esthétiques. |
Catalogue: «Ho racolto un
coro di critiche», texte d’Ugo
La Pietra, Galleria Spazio Temporaneo,
Milano |
Nadia Nava a présenté récemment une exposition des plus
divertissantes à la galerie Spazio Temporaneo de Milan. Son titre laisse
filtrer le sens de son projet : « J’ai rassemblé un choeur
de critiques ». C’est ce qu’elle a fait au sens propre. Son
idée a été de faire le portrait d’un certain nombre
de critiques d’art (surtout italiens) qui posent en faisant mine de chanter.
Elle les a ensuite transposés dans un tondo et a installé un lutrin
avec une partition sous chacun d’eux. Dans la galerie, un mur était
réservé aux hommes, un autre aux femmes. Le résultat est
très frappant. Quand on découvre tous ces visages plus ou moins
métamorphosés par la mimique du chant, on ne sait que penser :
son intention était-elle de rire de ces figures si sérieuses de
l’art contemporain ou de leur rendre un hommage ambigu ? Je crois que l’humour était
de mise – mais un humour qui n’était pas malveillant. Et ce
n’est qu’un juste retour des choses, puisque les artistes attendent
le jugement (le verdict dans la majorité des cas) de ces critiques comme
s’ils avaient une épée de Damoclès suspendue au-dessus
du crâne… Au-delà de cette représentation de ce rapport
délicat entre ces deux mondes liés par un amour-haine féroce
et de tout ce qu’elle suppose, l’installation de Nadia Nava est à mi-chemin
entre l’hyperréalisme et l’art conceptuel, dans une ambiguïté qui
ne manque pas de causticité. Et puis elle a fait acte de bonté puisque
ces critiques ne sombreront pas dans l’oubli et finiront peut-être,
grâce à elle, dans un musée ! |
Jan Fabre au Louvre,
l’ange de la métamorphose, Gallimard/musée
du Louvre
|
La mirifique exposition
de Jan Fabre au musée
du Louvre n’est
pas sans soulever des questions en rafales. Pourquoi avoir offert à l’artiste
belge un espace aussi considérable - il envahit toutes les salles
des Ecoles du Nord, ni plus ni moins ! -, pourquoi avoir publié un
catalogue de la dimension de ceux qu’on a l’habitude de voir
pour une rétrospective de Manet, de Renoir ou de Vélasquez
? Je ne discuterai pas ici du curieux mélange des genres qui fait
du Louvre un musée d’art contemporain (on se demande à quoi
peut bien servir le Palais de Tokyo – peut-être à montrer
les retables de la fin du Moyen Age ?). Je m’appesantirai plutôt
sur la nature de l’oeuvre de Jan Fabre, qui est particulièrement
décousue, qui nous donne toujours le sentiment d’être
un Pic de la Mirandole de l’art de notre temps, puisant de droite
et de gauche, allant du dessin le plus conventionnel à l’installation
la plus débridée en passant par des statuettes en or et des
vêtements imaginaires pour un film postmoderne. Il y a chez lui une
boulimie extraordinaire qui lui fait faire les choses les plus disparates.
Son autoportrait en pisseur (de sang) (« Je me suis vidé de
moi-même ») à l’entrée de l’exposition était
un spectacle absurde et grotesque– soi-disant une méditation
sur le vide ses Moines et Anges en os qui sont dignes des films de Coppola,
et puis cette vidéo sur le bousier avec le philosophe Peter Stoterdijk,
l’autoportrait du plus grand ver du monde sans parler des sarcophages,
tout cela constitue un ébouriffant bric-à-brac d’images
parfois mises en relations avec les tableaux des primitifs flamands qui
sont les grands gagnants de cette confrontation. |
Catalogue: Hommage à Jean-Pierre Pincemin, musée de l’Hospice
Saint-Roch |
L’exposition rétrospective de Jean- Pierre Pincemin qui a
eu lieu au musée de l’Hospice Saint-Roch nous fournit l’occasion
rêvée d’avoir une pensée pour cet artiste de
grand talent disparu bien trop tôt. Il avait commencé dans
l’esprit des avant-gardes des années soixante et s’est
un temps situé entre les travaux du groupe BMPT et Supports/Surfaces
avec ses grandes toiles libres. Puis son oeuvre a évolué et
il a su maintenir un curieux équilibre entre figuration et abstraction
dans une invention permanente de formes qui a fait de lui une des figures
les plus originales de la France de ces dernières décennies,
avec des créations mémorables aussi bien dans la sphère
de la peinture que dans celle de la sculpture. |
Francis Bacon, Francesca Marini,
SkiraMiniArtbooks. Futurisme, Flaminio
Gualdoni, SkiraMiniArtbooks |
Les éditions Skira viennent de publier une nouvelle collection de
vulgarisation artistique. Ces petits livres constituent une bonne introduction,
mais étant donné le nombre de livres de ce type qui circulent
aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’ils constituent une révolution
en la matière. Mais au moins ils sont conçus de manière
sérieuse, ce qui est déjà bien. |
L’Herbier merveilleux,
Jean-Michel Othoniel, Actes Sud |
Passé maître en kitscheries en tout genre (je pense en premier
lieu à la station de métro devant la Comédie Française)
Jean-Michel Othoniel se lance dans le symbolisme et dans la botanique.
Le prétexte de cette aventure sont les projets de vitraux qu’il
a réalisés pour l’église Saint-Martin où les
instruments de la Passion sont remplacés par des plantes. A partir
de cette expérience pour le moins curieuse, il a décidé de
constituer un herbier personnel ou, plus exactement une petite encyclopédie
de la symbolique des plantes. L’ouvrage est charmant, mais n’importe
quel spécialiste du monde végétal aurait pu arriver
au même résultat. L’artiste envisage-t-il une reconversion
dans l’horticulture, ou une retraite dans un monastère de
clôture pour cultiver des simples ? |
Catalogue:
Michel Gérard, «L’enfance
de l’art »,
MAMAC, Nice |
Il y a un aspect caché de l’oeuvre (et de la personnalité)
de Michel Gérard. Après avoir exposé ses dessins au
musée d’Epinal, il vient de présenter à la galerie
des Ponchettes et au MAMAC de Nice des travaux et une sculpture qui ont
en commun d’être liés à son fantasme des origines.
Cela se présente d’abord par de grandes tiges d’acier
(en réalité des pieds de chaises comme le prouvent de nombreux
papiers antérieurs, qui ne sont pas dépourvus « L’enfance
de l’art »). L’artiste est parti en quête de ses
jeunes années avec des dessins et des collages d’une grande
liberté de ton. Et surtout, il a présenté la série
importante baptisée Vulturmom, inspirée par les écrits
de Sigmund Freud qui commentent Léonard de Vinci et fait apparaître
un vautour dans le robe de la Vierge. La dérision, le jeu, le mot
d’esprit, l’humour sont de mises dans cette belle suite où il
se raconte par le biais de la quête psychanalytique. |
Fables et autres textes, Julien Blaine,
Fondazione Berardelli. Bye-bye la perf.,
Julien Blaine, Al Dante & Adriano Parise |
Quand on lit l’essai d’Enrico Mascelloni sur le parcours poétique
et artistique de Julien Blaine, on se dit qu’au fond, si l’on
y réfléchit bien, il est l’Alphonse Allais de la création
contemporaine. Poésie visuelle et poésie concrète
se conjuguent dans ses oeuvres. Mais cette alchimie ne peut se réaliser
que par l’humour et la dérision. J’ai sous les yeux
ses cartes à jouer en bois peint et gravé : c’est à mes
yeux une parodie du jeu de Tarot produit par les surréalistes. Les
essais réunis dans Fables et autres textes vont d’ailleurs
plus ou moins dans cette direction, même celui produit par Franck
Delorieux. Dans notre petit monde où l’on vénère
(avec la foi du charbonnier ou pire encore) Marcel Duchamp comme saint,
martyr et père de l’Eglise de l’art contemporain, un énergumène
tel que Julien Blaine est le bienvenu : il brise les tabous et renverse
les tables de la Loi. Un iconoclaste, un vrai, qui s’amuse et sait
nous amuser, avec beaucoup d’allant et de punch. Ses Po.M et ses
occupations de socles fleurent bon l’esprit de MM. les Dadas. Son
humour est un peu potache et ses jeux de mots parfois dignes de l’Almanach
Vermot, certes. Mais cela dissimule une réflexion authentique sur
l’état de l’art actuel – je recommande vivement
aux lecteurs de se procurer Bye-bye la perf., qui est une autobiographie
où il remet en cause tout ce qu’il a pu accomplir, toujours
avec une incroyable autodérision – il a la force de tout renverser
sur son passage – un éléphant dans un magasin de porcelaine,
vous dis-je – croyez-moi sur parole. |
China Gold, Gallimard |
La Chine est entrée depuis longtemps dans la danse de l’art
contemporain. Les manifestations se multiplient dans tous les recoins du
territoire. L’été dernier, la Fondation Maillol a sacrifié à ce
rite obligatoire. La seule véritable nouveauté est que cette
fois nous ont été épargnés (à une exception
près) les pastiches des portraits de Mao ou des affiches de la Révolution
culturelle. Nous découvrons un art chinois libéré des
ces fantômes de son passé récent. Pour le reste, on
ne peut que constater avec amertume que ces jeunes créateurs ne
font qu’imiter l’Occident : le langage et les techniques qu’ils
utilisent ne sont que ceux employés par leurs homologues occidentaux.
On n’y a pas fait non plus de grandes découvertes. Mais la
moyenne des oeuvres présentées est tout à fait honorable.
Cet art est très didactique, avec une subtile et presque imperceptible
critique du régime ou du mode de vie imposé dans ce pays
(de la « soft contestation » !). Toute manifestation de violence
est soigneusement contrôlée. La seule chose qui peut sembler
réconfortante est que les Chinois ont commencé par s’intoxiquer
avec le Coca Cola et qu’il ont continué à le faire
avec cette forme d’art contemporain. Pour le reste, on est en droit
de s’interroger sur le titre en anglais (China Gold) et sur la médiocrité des
textes de présentation. Ce musée nous a tout de même
habitué à mieux. |
Catalogue: Georges
Bru, Robert Bonaccorsi, Villa Tamaris centre
d’art |
Il faut être reconnaissant à Robert Bonaccorsi d’avoir
présenté à la Villa Tamaris cette belle exposition
de Georges Bru et d’avoir publié un si riche album de ses
oeuvres. Cet artiste du sud-ouest a développé un art graphique
qui fait de lui l’héritier à la fois d’Alfred
Kubin et de Richard Lindner. Il dessine surtout des hommes et des femmes,
seuls ou en compagnie d’animaux, le plus généralement
dans des intérieurs un peu étouffants. Il lui suffit de tracer
une silhouette d’une certaine manière ou de postuler la relation
de l’être humain et de la bête dans une optique curieuse
pour donner le jour à une inquiétante étrangeté qui
se rapproche de celle cultivée par l’auteur de l’Autre
côté. Mais il y a aussi dans ses figures une « modernité » déjà datée
qui engendre un décalage temporel qui rajoute une once de suspicion
sur ces compositions peu banales. L’univers de Georges Bru est vraiment étonnant
et ne peut laisser indifférent. Ses crayons et lavis appartiennent à une
sphère esthétique qui rend la réalité la plus
crue fantastique et dangereuse. C’est remarquable et Bonaccorsi a
très bien su introduire ce personnage discret dont on n’a
visiblement pas encore su prendre la mesure de son talent. |
François Morelet, 45 années
lumière, Skira/Flammarion |
François Morelet a fait reposer sa cause sur la lumière au
néon. Sa réalisation pour le musée de Groningen rappelle
beaucoup les « installations » de Lucio Fontana pour la Triennale
de Milan et certains de ses tableaux ne peuvent pas nous empêcher
de songer à certaines oeuvres lumineuses de Martial Raysse. Quoi
qu’il en soit, l’ensemble de ses créations réunies
dans cette monographie soignée démontre qu’il a su
exploiter cet élément avec intelligence et subtilité en
ne cessant jamais de développer les possibilités offertes
par la lumière. Ses oeuvres récentes sont très belles,
comme Lamentable diam (2006) ou Contorsions n°8 (2007), par exemple.
Les commandes publiques sont plus discutables car on a le sentiment que
l’oeuvre se change en un élément purement décoratif,
comme on peut le constater dans le tunnel du Valais à Genève.
L’Egarement pour la gare de Chinon échappe néanmoins à cette
critique. |
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