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Chroniques des lettres
Chronique de l’an IX (4)
Chronique de l'an IX(4)
par Gérard-Georges Lemaire

Le bel autrefois
La Peinture en acte, Bertrand Prévost,
préface de Georges Didi-Hubermann, Actes Sud
Bertrand Prévost s’est choisi un superbe champ d’investigation : la gestualité dans la peinture de la Renaissance. Malheureusement, son ouvrage souffre d’un défaut congénital celui du jargon universitaire (l’auteur nous promet d’entrée de jeu d’affronter de « lourds problèmes historiques et théoriques », bien lourds en effet). Il faut prendre la mesure de ce drame sémantique dès la présentation : « La question n’est pas « d’où parle-t-on, des gestes de la Renaissance ? » puisqu’on m’en parle d’à peu près partout ; mais plutôt « Quelle est la forme de problématisation du geste de la Renaissance ? » comment la Renaissance italienne a-t-elle problématisé les gestes ? » Ce n’est pas tout : c’est devenu un tic (ou un toc) de la faculté en matière d’histoire de l’art, aucun ouvrage ne peut se concevoir sans une critique d’Erwin Panofsky au bénéfice d’Aby Warburg. Les arguments avancés par l’auteur ne sont pas franchement convaincants et, en fin de compte, on s’est moque complètement puisqu’on attend de savoir ce qu’il a lui à dire sur la question. Eh bien, nous avons affaire à un travail sérieux et honnête, pas vraiment original, qui nous apprend tout de même des choses sur la dame de cette période et sur la théorie de la grâce qui n’est pas sans rapport avec le Livre du courtisan. En dépit d’une recherche profonde, l’auteur nous laisse un peu sur notre faim car il ne suffit pas de mettre en relation la pensée mathématique et architecturale liée à la peinture et un nouvel art de vivre. L’histoire de la philosophie a plus à nous raconter que ce qu’il nous en révèle. Et puis, la peinture commence à définir le champ spécifique de son exercice en créant ses propres codes (Prévost le déclare, mais ne l’explique pas), en accord ou en rupture avec d’autres codes du goût, de la mode, de la littérature et de la pensée de l’époque. Panofskienne, ma lecture ? Au fond, l’iconologie laisse une liberté pour déchiffrer les oeuvres et est un système qui peut être aisément amendé et ce n’est, en fin de compte, qu’une méthode de lecture, pas une idéologie !
L’Œil révolté, les Salons de Diderot, Stéphane Lojkine, Editions Jacqueline Chambon

Plus que toute autre chose, ce qui me semble le plus intéressant dans l’essai de Stéphane Lojkine est la description des prolégomènes à la rédaction des Salons de Denis Diderot. La première condition à cette nouvelle aventure littéraire du responsable de l’édition de l’Encyclopédie – en dehors du fait qu’il avait terminé l’essentiel de son travail titanesque – est l’intérêt croissant du public pour cet événement artistique unique en son genre dans le monde. En 1759, 7000 livrets sont vendus. En 1781, près de 17 000 brochures sont publiées. Le nombre des visiteurs s’élève à 20 000, ce qui est remarquable pour une ville qui compte alors 600 000 habitants. L’auteur rappelle la longue histoire de cette exposition qui, à l’origine, n’était qu’un accrochage privé à l’usage exclusif des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Le succès inespéré de cette manifestation dès qu’elle a été ouverte à tous a, bien entendu, suscité un autre intérêt, celui des nouvellistes, qui se sont rapidement montrés désireux de la faire découvrir à ceux qui n’ont pu la visiter, qu’ils soient en province ou à l’étranger. C’est dans cette perspective que Frédéric-Melchior Grimm, qui, après avoir repris Les Nouvelles littéraires, crée en 1753 La Correspondance littéraire. La particularité de cette publication est d’être manuscrite et de n’être envoyée qu’à une poignée d’abonnés. Mais pas n’importe qui : la princesse de Nassau-Sarrebruck, la duchesse de Saxe- Gotha, Frédéric II de Prusse, Catherine II étaient de ceux-là. Grimm demande à Diderot de rendre compte de cette exposition tellement prisée et celui-ci se fait un peu prier, ou feint de se faire prier. Il se prend vite au jeu et bientôt, à partir de 1759, toutes les cours d’Europe peuvent lire ses visites au Louvre qui allaient transformer la relation aux oeuvres d’art et fonder un nouveau genre littéraire : la critique d’art. L’auteur s’emploie à détailler le contenu des Salons de Diderot, en apportant peu de nouveautés par rapport aux nombreuses lectures faites de ces morceaux de littérature et son idée de la théâtralisation de la peinture n’apporte pas une théorie novatrice et forte. Quoi qu’il en soit, son essai permet de suivre l’écrivain pas à pas dans une relation toujours plus intense avec l’oeuvre et l’esprit de ceux qui les ont conçus. On peut donc considérer son livre comme un bon vade-mecum pour aborder cet aspect de la pensée de Diderot.
Dialogue avec Delacroix Michel Butor, Virgile


Curieuse et intrigante entreprise que celle de Michel Butor déchiffrant la Prise de Constantinople par les croisés, tableau qu’Eugène Delacroix a peint en 1840. Il a voulu faire en même temps oeuvre d’écrivain et oeuvre d’historien, ce qui nous donne un singulier mélange. Ce n’est pas pour autant un échec. Il a même produit un opuscule qui se lit avec intérêt, malgré sa qualité d’hybride. En nous fournissant les clefs pour comprendre la composition, il nous donne les moyens d’y pénétrer et de nous attacher ensuite à en éprouver la valeur strictement picturale, ce qui est absent de ses lignes. Peut-être que si les historiens d’art procédaient plus comme l’a fait ici Butor, les toiles anciennes nous seraient plus accessibles et donc plus aimables.
Modernités
Le Pays fertile,Paul Klee, Pierre Boulez, Gallimard.
sous la direction de Caroline Cros et de Laurent Le Bon, préface d’Olivier Kaeppelin


Pierre Boulez a consacré un essai à Paul Klee. Qu’un musicien de notre temps écrive un livre sur un peintre mérite qu’on s’y intéresse. On sait le rôle que la musique a joué dans la vie de l’artiste (il était premier violon et a épousé une pianiste) – et, plus que n’importe quel autre, elle a tenu une place prédominante dans sa réflexion plastique. L’intérêt de cette étude consiste dans le fait que Boulez ne cherche pas à dresser des parallèles simplistes entre ces deux domaines de la création, si l’on fait exception de la comparaison qu’il fait entre Picasso et Stravinsky. Il est manifeste que Klee a tenté de transposer dans ses composition la fluidité, les réseaux harmoniques qui se trouvent dans une partition. Quand il enseignait au Bauhaus, il a même établi une transposition visuelle d’une oeuvre de J. S. Bach. La limite de ce que pense Boulez, et qui mérite d’être pris en considération, c’est que tout peintre qui se respecte recherche des harmonies ou, éventuellement des discordantes, des arpèges ou des assonances. En somme, pour qu’un tableau fonctionne, il faut qu’il trouve dans son propre langage les ressources lui permettant d’atteindre les modes recherchés. Cela étant dit, Klee se réfère peu à la musique dans ses écrits. En revanche, il montre dans ses actes à quel point les jeux sonores se transposent en des jeux optiques. Boulez avait découvert Klee à Avignon en 1947 : Christian Zervos avait présenté une exposition de lui au palais des Papes. Plus tard, Stockhausen lui a offert La Pensée créatrice. De ces deux choses est née l’idée de ce petit livre qui, ici, est richement illustré. Il ne nous donne pas le sens de la Machine à gazouiller de Klee, mais il peut nous mettre sur la voie.
Contemporanéités et déconnexions
Portrait de Mique l Barcelo’ en artiste pariétal, Pierre Péju & Eric Mézil, photographes d’Augusto Torres, Collection Lambert/Gallimard Miquel Barcelo est, comme quelques-uns des grands artistes de notre temps, un artiste irrégulier – dans les deux sens du terme. D’un côté, son travail a un caractère baroque au sens premier du terme, puisqu’il n’obéit qu’à des règles établies en fonction d’un projet limité dans le temps (chaque projet impose ses matériaux, son style, son esthétique propre) ; de l’autre, il peut se révéler d’une créativité exceptionnelle ou au contraire d’un mauvais goût extrême. Les réalisations réunies dans l’ouvrage proposé par la Collection Lambert d’Avignon mettent en relief cette curieuse disposition d’esprit. Le pivot de cette publication est le spectacle que Barcelo’ et Josef Nadj ont donné dans l’église des Célestins d’Avignon lors du festival de 2007 et qui était intitulé Paso Doble. Il s’agissait d’un grand mur en argile que l’artiste refaisait à chaque représentation, qui était à la fois le décor et le principal élément dramatique de la pièce. L’aspect le plus fascinant était que cette paroi se métamorphosait sans cesse et que les deux protagonistes devenaient des figures d’argile portant des masques fabuleux de terre jusqu’au moment où ils finissaient par faire partie intégrante du mur. En marge de ce spectacle, on peut découvrir les esquisses laissées sur les murs pendant les répétitions et aussi la chapelle San Pere de la cathédrale de Palma de Majorque, réalisée en partie en terre cuite. Si l’artiste fait montre de ces deux visages dans cette réalisation et dans ce spectacle, il faut reconnaître qu’il y a fait la démonstration de sa capacité de prendre de grands risques – en particulier celui de verser dans le kitsch ou la surenchère. En fin de compte, même si cette attitude le dessert parfois, elle lui permet d’accomplir des miracles esthétiques.
Catalogue: «Ho racolto un coro di critiche», texte d’Ugo La Pietra, Galleria Spazio Temporaneo, Milano

Nadia Nava a présenté récemment une exposition des plus divertissantes à la galerie Spazio Temporaneo de Milan. Son titre laisse filtrer le sens de son projet : « J’ai rassemblé un choeur de critiques ». C’est ce qu’elle a fait au sens propre. Son idée a été de faire le portrait d’un certain nombre de critiques d’art (surtout italiens) qui posent en faisant mine de chanter. Elle les a ensuite transposés dans un tondo et a installé un lutrin avec une partition sous chacun d’eux. Dans la galerie, un mur était réservé aux hommes, un autre aux femmes. Le résultat est très frappant. Quand on découvre tous ces visages plus ou moins métamorphosés par la mimique du chant, on ne sait que penser : son intention était-elle de rire de ces figures si sérieuses de l’art contemporain ou de leur rendre un hommage ambigu ? Je crois que l’humour était de mise – mais un humour qui n’était pas malveillant. Et ce n’est qu’un juste retour des choses, puisque les artistes attendent le jugement (le verdict dans la majorité des cas) de ces critiques comme s’ils avaient une épée de Damoclès suspendue au-dessus du crâne… Au-delà de cette représentation de ce rapport délicat entre ces deux mondes liés par un amour-haine féroce et de tout ce qu’elle suppose, l’installation de Nadia Nava est à mi-chemin entre l’hyperréalisme et l’art conceptuel, dans une ambiguïté qui ne manque pas de causticité. Et puis elle a fait acte de bonté puisque ces critiques ne sombreront pas dans l’oubli et finiront peut-être, grâce à elle, dans un musée !
Jan Fabre au Louvre, l’ange de la métamorphose, Gallimard/musée du Louvre


La mirifique exposition de Jan Fabre au musée du Louvre n’est pas sans soulever des questions en rafales. Pourquoi avoir offert à l’artiste belge un espace aussi considérable - il envahit toutes les salles des Ecoles du Nord, ni plus ni moins ! -, pourquoi avoir publié un catalogue de la dimension de ceux qu’on a l’habitude de voir pour une rétrospective de Manet, de Renoir ou de Vélasquez ? Je ne discuterai pas ici du curieux mélange des genres qui fait du Louvre un musée d’art contemporain (on se demande à quoi peut bien servir le Palais de Tokyo – peut-être à montrer les retables de la fin du Moyen Age ?). Je m’appesantirai plutôt sur la nature de l’oeuvre de Jan Fabre, qui est particulièrement décousue, qui nous donne toujours le sentiment d’être un Pic de la Mirandole de l’art de notre temps, puisant de droite et de gauche, allant du dessin le plus conventionnel à l’installation la plus débridée en passant par des statuettes en or et des vêtements imaginaires pour un film postmoderne. Il y a chez lui une boulimie extraordinaire qui lui fait faire les choses les plus disparates. Son autoportrait en pisseur (de sang) (« Je me suis vidé de moi-même ») à l’entrée de l’exposition était un spectacle absurde et grotesque– soi-disant une méditation sur le vide ses Moines et Anges en os qui sont dignes des films de Coppola, et puis cette vidéo sur le bousier avec le philosophe Peter Stoterdijk, l’autoportrait du plus grand ver du monde sans parler des sarcophages, tout cela constitue un ébouriffant bric-à-brac d’images parfois mises en relations avec les tableaux des primitifs flamands qui sont les grands gagnants de cette confrontation.


Catalogue: Hommage à Jean-Pierre Pincemin, musée de l’Hospice Saint-Roch


L’exposition rétrospective de Jean- Pierre Pincemin qui a eu lieu au musée de l’Hospice Saint-Roch nous fournit l’occasion rêvée d’avoir une pensée pour cet artiste de grand talent disparu bien trop tôt. Il avait commencé dans l’esprit des avant-gardes des années soixante et s’est un temps situé entre les travaux du groupe BMPT et Supports/Surfaces avec ses grandes toiles libres. Puis son oeuvre a évolué et il a su maintenir un curieux équilibre entre figuration et abstraction dans une invention permanente de formes qui a fait de lui une des figures les plus originales de la France de ces dernières décennies, avec des créations mémorables aussi bien dans la sphère de la peinture que dans celle de la sculpture.

Francis Bacon, Francesca Marini, SkiraMiniArtbooks. Futurisme, Flaminio Gualdoni, SkiraMiniArtbooks

Les éditions Skira viennent de publier une nouvelle collection de vulgarisation artistique. Ces petits livres constituent une bonne introduction, mais étant donné le nombre de livres de ce type qui circulent aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’ils constituent une révolution en la matière. Mais au moins ils sont conçus de manière sérieuse, ce qui est déjà bien.
L’Herbier merveilleux, Jean-Michel Othoniel, Actes Sud

Passé maître en kitscheries en tout genre (je pense en premier lieu à la station de métro devant la Comédie Française) Jean-Michel Othoniel se lance dans le symbolisme et dans la botanique. Le prétexte de cette aventure sont les projets de vitraux qu’il a réalisés pour l’église Saint-Martin où les instruments de la Passion sont remplacés par des plantes. A partir de cette expérience pour le moins curieuse, il a décidé de constituer un herbier personnel ou, plus exactement une petite encyclopédie de la symbolique des plantes. L’ouvrage est charmant, mais n’importe quel spécialiste du monde végétal aurait pu arriver au même résultat. L’artiste envisage-t-il une reconversion dans l’horticulture, ou une retraite dans un monastère de clôture pour cultiver des simples ?
Catalogue:
Michel Gérard, «L’enfance
de l’art »,
MAMAC, Nice


Il y a un aspect caché de l’oeuvre (et de la personnalité) de Michel Gérard. Après avoir exposé ses dessins au musée d’Epinal, il vient de présenter à la galerie des Ponchettes et au MAMAC de Nice des travaux et une sculpture qui ont en commun d’être liés à son fantasme des origines. Cela se présente d’abord par de grandes tiges d’acier (en réalité des pieds de chaises comme le prouvent de nombreux papiers antérieurs, qui ne sont pas dépourvus « L’enfance de l’art »). L’artiste est parti en quête de ses jeunes années avec des dessins et des collages d’une grande liberté de ton. Et surtout, il a présenté la série importante baptisée Vulturmom, inspirée par les écrits de Sigmund Freud qui commentent Léonard de Vinci et fait apparaître un vautour dans le robe de la Vierge. La dérision, le jeu, le mot d’esprit, l’humour sont de mises dans cette belle suite où il se raconte par le biais de la quête psychanalytique.


Fables et autres textes, Julien Blaine, Fondazione Berardelli. Bye-bye la perf., Julien Blaine, Al Dante & Adriano Parise


Quand on lit l’essai d’Enrico Mascelloni sur le parcours poétique et artistique de Julien Blaine, on se dit qu’au fond, si l’on y réfléchit bien, il est l’Alphonse Allais de la création contemporaine. Poésie visuelle et poésie concrète se conjuguent dans ses oeuvres. Mais cette alchimie ne peut se réaliser que par l’humour et la dérision. J’ai sous les yeux ses cartes à jouer en bois peint et gravé : c’est à mes yeux une parodie du jeu de Tarot produit par les surréalistes. Les essais réunis dans Fables et autres textes vont d’ailleurs plus ou moins dans cette direction, même celui produit par Franck Delorieux. Dans notre petit monde où l’on vénère (avec la foi du charbonnier ou pire encore) Marcel Duchamp comme saint, martyr et père de l’Eglise de l’art contemporain, un énergumène tel que Julien Blaine est le bienvenu : il brise les tabous et renverse les tables de la Loi. Un iconoclaste, un vrai, qui s’amuse et sait nous amuser, avec beaucoup d’allant et de punch. Ses Po.M et ses occupations de socles fleurent bon l’esprit de MM. les Dadas. Son humour est un peu potache et ses jeux de mots parfois dignes de l’Almanach Vermot, certes. Mais cela dissimule une réflexion authentique sur l’état de l’art actuel – je recommande vivement aux lecteurs de se procurer Bye-bye la perf., qui est une autobiographie où il remet en cause tout ce qu’il a pu accomplir, toujours avec une incroyable autodérision – il a la force de tout renverser sur son passage – un éléphant dans un magasin de porcelaine, vous dis-je – croyez-moi sur parole.
China Gold, Gallimard

La Chine est entrée depuis longtemps dans la danse de l’art contemporain. Les manifestations se multiplient dans tous les recoins du territoire. L’été dernier, la Fondation Maillol a sacrifié à ce rite obligatoire. La seule véritable nouveauté est que cette fois nous ont été épargnés (à une exception près) les pastiches des portraits de Mao ou des affiches de la Révolution culturelle. Nous découvrons un art chinois libéré des ces fantômes de son passé récent. Pour le reste, on ne peut que constater avec amertume que ces jeunes créateurs ne font qu’imiter l’Occident : le langage et les techniques qu’ils utilisent ne sont que ceux employés par leurs homologues occidentaux. On n’y a pas fait non plus de grandes découvertes. Mais la moyenne des oeuvres présentées est tout à fait honorable. Cet art est très didactique, avec une subtile et presque imperceptible critique du régime ou du mode de vie imposé dans ce pays (de la « soft contestation » !). Toute manifestation de violence est soigneusement contrôlée. La seule chose qui peut sembler réconfortante est que les Chinois ont commencé par s’intoxiquer avec le Coca Cola et qu’il ont continué à le faire avec cette forme d’art contemporain. Pour le reste, on est en droit de s’interroger sur le titre en anglais (China Gold) et sur la médiocrité des textes de présentation. Ce musée nous a tout de même habitué à mieux.
Catalogue: Georges Bru, Robert Bonaccorsi, Villa Tamaris centre d’art

Il faut être reconnaissant à Robert Bonaccorsi d’avoir présenté à la Villa Tamaris cette belle exposition de Georges Bru et d’avoir publié un si riche album de ses oeuvres. Cet artiste du sud-ouest a développé un art graphique qui fait de lui l’héritier à la fois d’Alfred Kubin et de Richard Lindner. Il dessine surtout des hommes et des femmes, seuls ou en compagnie d’animaux, le plus généralement dans des intérieurs un peu étouffants. Il lui suffit de tracer une silhouette d’une certaine manière ou de postuler la relation de l’être humain et de la bête dans une optique curieuse pour donner le jour à une inquiétante étrangeté qui se rapproche de celle cultivée par l’auteur de l’Autre côté. Mais il y a aussi dans ses figures une « modernité » déjà datée qui engendre un décalage temporel qui rajoute une once de suspicion sur ces compositions peu banales. L’univers de Georges Bru est vraiment étonnant et ne peut laisser indifférent. Ses crayons et lavis appartiennent à une sphère esthétique qui rend la réalité la plus crue fantastique et dangereuse. C’est remarquable et Bonaccorsi a très bien su introduire ce personnage discret dont on n’a visiblement pas encore su prendre la mesure de son talent.
François Morelet, 45 années lumière, Skira/Flammarion

François Morelet a fait reposer sa cause sur la lumière au néon. Sa réalisation pour le musée de Groningen rappelle beaucoup les « installations » de Lucio Fontana pour la Triennale de Milan et certains de ses tableaux ne peuvent pas nous empêcher de songer à certaines oeuvres lumineuses de Martial Raysse. Quoi qu’il en soit, l’ensemble de ses créations réunies dans cette monographie soignée démontre qu’il a su exploiter cet élément avec intelligence et subtilité en ne cessant jamais de développer les possibilités offertes par la lumière. Ses oeuvres récentes sont très belles, comme Lamentable diam (2006) ou Contorsions n°8 (2007), par exemple. Les commandes publiques sont plus discutables car on a le sentiment que l’oeuvre se change en un élément purement décoratif, comme on peut le constater dans le tunnel du Valais à Genève. L’Egarement pour la gare de Chinon échappe néanmoins à cette critique.

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mis en ligne le 10/12/2008
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