Dans le cadre de sa 13émé édition, en 2005, Pulsart accueille Henri Cueco et Gérard Guyomard. La Collégiale St Pierre La Cour est le cadre de lexposition Cueco (15 avril-12 juin), centrée sur la toile de Philippe de Champaigne qui se trouve au Musée du Mans. Gérard Guyomard expose à la salle Paul Courboulay (2 au 28 mai). Un temps fort, du 4 au 8 mai, réunit 55 artistes plasticiens sélectionnés par le jury de Pulsart.
Génie du comique pince-sans-rire bien connu des auditeurs de France Culture, Cueco sest également acquis une solide réputation de peintre impertinent. En 1972 en particulier, membre de la coopérative des Malassis, il commit un crime de lèse-président de la République en co-signant Le Grand Méchoui, charge sans nuances du comportement des princes qui nous gouvernent, à commencer par le premier dentre eux. Plus sérieusement, il avait exalté à titre personnel, vers 1968, la cause de la Révolution avec ses Hommes rouges qui sont restés dans la mémoire de lhistoire de lart. Bref, ce peintre anticonformiste ne pouvait pas ne pas sintéresser à lun des peintres les plus solennels du Grand Siècle, celui dont Stefano Zuffi vante la « noblesse et la grande dignité du ton » : Philippe de Champaigne. Au « moralisme sévère » du peintre préféré du cardinal de Richelieu, Cueco le matérialiste bon vivant a opposé avec une jubilation particulière ses variations sur les thèmes de lEx-voto du Louvre, avant dexaminer la Vanité qui se trouve au Mans (de préférence au Rêve dElie, lui aussi au Musée de Tessé).
On croit connaître les circonstances édifiantes qui ont guidé Champaigne dans la composition de lEx-voto. Mais il ne faut pas sy fier : les recherches de Cueco attestent que Mère Agnès nest pas en prière à côté de Soeur Catherine de Sainte Suzanne-Champaigne : elle est en train dapprendre à nager à la propre fille de lartiste. Les nombreuses études peintes et dessinées par Cueco, déshabillant le tableau dans tous les sens du terme, le prouvent amplement !
Nous avons bien entendu le droit de sourire, mais la démarche du peintre ne se réduit pas à une plaisanterie digne dun étudiant de cinquième année à lEcole des Beaux-Arts. « Une peinture comme lEx-voto de 1662 ajoute sa propre réalité à la réalité du monde et à ce titre il est légitime den user comme on userait dun objet, dun paysage, dun personnage vivant » a observé Cueco. Il a donc démonté lobjet-tableau en le soumettant à une analyse « active et joyeuse » de telle sorte que soit mis en pièces le mécanisme du tableau, jusquà ce quil soit littéralement réduit en poudre, mais « sans quil y perde totalement de sa force ». Vrai peintre, Cueco a utilisé « la montée chromatique du rouge sur les croix en relation avec les subtilités des valeurs sur les robes, les coiffes et lextrême indigence volontaire du décor ». En somme, il a respecté lessentiel, à ses yeux, chez son confrère : la peinture.
Quand Cueco visite la Vanité du Mans, son état desprit est sans doute un peu différent : « Le thème des vanités est la mise en image de cette fragilité, de la futilité, du néant et sans doute de la mort. Il est la réponse sous forme de question à une éternelle inquiétude. » Or la peinture ne se présente-t-elle pas par elle-même comme vanité ? « Le réel et son au-delà est un thème permanent de la peinture qui vit de sa non-résolution » ajoute le peintre qui, décortiquant loeuvre de Philippe de Champaigne, en perçoit les enjeux qui ne sont pas si éloignés de ses propres préoccupations dartiste du XXI ème siècle. Champaigne était dévôt et Cueco ne cache pas son matérialisme athée, mais tous deux sont frères dans la certitude que, grâce à la peinture, « même la mort forte figure symbolique du temps est soumise dans son apparence à la destruction ».
A côté de Cueco et Guyomard (sur les travaux récents de ce dernier, voir le numéro 36 de Verso), une cinquantaine dartistes plasticiens sont réunis à linitiative de Lucien Ruimy, infatigable animateur de Pulsart, qui sest entouré dun jury pour laider à conférer à lexposition un niveau de qualité qui en fait désormais un événement de portée nationale.
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