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A Toulouse, le Printemps de septembre, 3ème édition
A Toulouse, le Printemps de septembre, 3ème édition par Paul Dumas-Ricord
par Paul Dumas-Ricord
Cette manifestation de grande envergure qui à la photographie ajoute les Arts Visuels (Vidéos, films, projections de toutes sortes) semble avoir atteint sa vitesse de croisière à sa 3e édition, si l’on en juge à l’affluence publique et aux répercussions médiatiques. Du 26 septembre au 19 octobre Toulouse vivait « le rendez-vous des images contemporaines » dans un périmètre restreint mais central entre Capitole et Garonne, composé d’un réseau de rues anciennes et de monuments prestigieux : Réfectoire des Jacobins, Hôtel Dieu, façade de l’hôtel de ville, entre autres… Le week-end certains lieux d’expositions accueillaient les visiteurs toujours curieux jusqu’à une heure du matin. « Soirées Nomades » et « Nuits Blanches » telles étaient les petites fêtes (y compris chorégraphiques dans la cour de l’Ecole des beaux-arts) auxquelles on était convié à tel carrefour, tel pont ou tel petit port (Daurade ou saint Pierre) dans la nuit clémente de l’automne naissant.

Succès populaire donc, déambulations joyeuses, surprises et découvertes des Soirées Nomades (musique et danse). Une dizaine de lieux d’expositions, une dizaine de sites et d’espaces investis par des interventions nocturnes, plus des points relais. Une quarantaine d’artistes, de tous horizons. Une thématique qui se voulait fédératrice : « Gestes ». Marta GILI directrice artistique s’exprimait ainsi dans la préface du catalogue : « Sous le titre de « Gestes » nous proposons précisément les gestes d’attention de sollicitude, de responsabilité ou d’engagements présents dans de nombreuses productions d’artistes contemporains et qui sont la manifestation, une fois encore de l’équilibre instable sur lequel repose notre expérience aussi bien personnelle que collective… Gestes de disparition, de provocation, d’ironie, de jeu, de participation, de camouflage, de découverte, de complicité, d’interaction, d’isolement, et de beaucoup d’autres : depuis toujours ils appartiennent au domaine de l’Art » et Vilem FLUSSER d’ajouter « Un geste est un geste parce qu’il représente quelque chose, parce qu’il ne sert qu’à donner du sens à quelque chose » (Vilem FLUSSER « Les Gestes » éditions Hors Commerce 1999)

La vidéo, le documentaire, le panoramique sont des techniques aptes à saisir la mobilité et la multiplicité de nos gestes plus ou moins signifiants. L’image fixe ou la peinture seraient peut-être plus à même de figurer nos gestes fondamentaux plus économes et essentiels.

Il résulte de ce foisonnement, de cette grande variété technique et formelle, de ces intentions aux multiples visages (dénonciation, revendication, constats tous azimuts, rarement contemplation) des effets contradictoires sur le spectateur. Celui-ci ne sait pas toujours s’il faut chercher un sens au-delà des apparences ou se contenter de ce qui est montré, voire manifesté par le pouvoir d’un cadrage, d’un déclic souverain. D’où parfois l’impression d’une saturation, d’une répétition, d’un matraquage subtil orchestré par on ne sait qui ; le système aurait-il bon dos ?

En fait on se trouve bousculé entre le photojournalisme qui ne s’avoue pas comme tel et la photo plasticienne qui aurait presque peur d’être belle… et cet entre-deux constitue la majorité des clichés souvent de qualité, soumis à nos regards parfois insatisfaits. L’offre est surabondante, dans une certaine mesure intelligente et sensible, mais rarement décisive et inoubliable. Une dizaine d’artistes et je ne les citerai pas tous, ont retenu mon attention : Aux Jacobins :
Jean-Luc Moulène présente les produits de Palestine, objets de consommation dont le statut est incertain ; Hannah COLLINS investit les quartiers le la communauté gitane, La Mina, à Barcelone alors que Gustavo ARTIGAS met en présence sur le même terrain deux équipes américaines de basket-ball et deux équipes mexicaines de football.

A l’espace Ecureuil, Paul SEAWRIGHT s’attache aux résidus d’obus et de mines de la guerre d’Afghanistan ; à la Maison Eclusière, Sylvie BLOCHER filme une gymnaste s’exerçant au saut de trampoline qui témoigne d’une virtuosité contrariée. Plusieurs vidéos intimistes occupent aussi ce nouvel espace (Canal de Brienne).
Aux abattoirs Aernout MILK propose des images étonnantes de je ne sais quel rituel mystérieux. A l’Ecole des beaux-arts Véronique ELLENA signe une série d’images où sont cernés les gestes de la foi religieuse.
Au musée du Vieux Toulouse (nouveau lieu) Kutlug ATAMAN filme le récit d’une poète turque-chypriote qui habite la partie grecque de l’île. Au Château d’eau Niki S.LEE, qui vit à New York, comme un caméléon se dissimule au milieu des tribus et groupes sociaux qu’elle photographie. Elle épouse leurs attitudes et leurs apparences.
Un hommage était rendu au Directeur-Fondateur d’une des plus anciennes galeries de photo de France le toulousain Jean DIEUZAIDE, de renommée internationale, récemment décédé…
J’ajouterai : « Star » une étoile lumineuse qui se reflète sur le fleuve (Léo Villarel).
Place du Capitole, la mise en perspective du bâtiment central de l’hôtel de ville, déconstruction, reconstruction, éclaboussures, touches. Le fronton, une colonne, deux colonnes, coloriés comme un décor de théâtre. Ingénieuse réalisation due à Laurent LANGLOIS…
Quoiqu’il en soit, on ne peut que se réjouir de ce festival des Arts Visuels qui désormais depuis trois ans marque le paysage culturel toulousain et donne à la ville des éclats de lumière et de nouveautés. Marie-Thérèse Perrin dont on connaît l’inlassable détermination écrivait à cette occasion : « Comme la précédente, cette édition a donc un fort contenu politique au sens le plus large et le meilleur du terme. C’est à dire qu’elle se soucie de l’individu dans la cité, dans ses rapports à autrui, de sa
liberté, de son éthique, de ses engagements dans les choses les plus banales comme les plus nobles de l’existence »

(Catalogue. Editions Actes Sud)
Paul Dumas-Ricord
mis en ligne le 15/07/2004
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