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Editorial : " ça marche, la peinture ?" |
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par Jean-Luc Chalumeau |
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La 7 émé Biennale de Lyon intitulée « Cest arrivé demain », qui vient de fermer ses portes le 4 janvier, aura été un des événements les plus significatifs de la scène artistique internationale depuis plusieurs mois. Une réussite, ma-t-il semblé, à laune des intentions des commissaires (Xavier Douroux, Franck Gautherot, Eric Troncy, Anne Pontégnie et Robert Nickas) ainsi résumées par Paul Ardenne : « mettre laccent sur lart comme expérience, comme pratique singulière, engageant lartiste dans un itinéraire incomparable où affirmer sa subjectivité sinon, à la limite, un dandysme de notre temps ».
Lart comme expérience et comme pratique « singulière » : dès lentrée de La Sucrière (nouveau lieu conquis par la Biennale en bord de Saône en remplacement de la Halle Tony Garnier), le pari était joliment tenu par un ancien, Piero Gilardi, qui accueillait lui-même les visiteurs dans son environnement, le jour du vernissage. Il sagissait pour lui de réactiver une pièce du début des années 80, les Vignes dansantes, pionnière dans lutilisation des nouvelles technologies. Il fallait le voir abordant gentiment une jeune femme intimidée par son dispositif, lui montrant comment plaquer ses mains sur les écrans disposés autour dune sorte de menhir central, et la faire sourire à la vue des images déclenchées par son geste : les vignes en plastique du décor devenant un film fantastique projeté au plafond, aspirant lenvironnement au son dune musique techno.
Piero Gilardi, en cette biennale transhistorique mixant les générations, appartenait au groupe des artistes occupant la scène de lart depuis plusieurs décennies, avec Robert Grosvenor, Daan van Golden, Yayoi Kusama, Vito Acconci, Bruno Gironcoli, Gustav Metzger, Christian Boltanski ou Larry Clark. Né en 1945, mais associé à Mike Kelley de dix ans son cadet, Paul McCarthy apparaissait comme lun des meilleurs représentants de la génération intermédiaire précédant les jeunes nés après 1975. Cest certainement lui qui attirait le plus lattention avec Sod & Sodie Sock, vaste installation déjà présentée à la Sécession de Vienne en 1999 : un camp militaire complet associant la sculpture, la photographie, la musique et la vidéo (une scène en boucle montrant des travestis hilares, nus sous des peignoirs largement échancrés) de manière à « composer un univers grotesque » (précisait le dossier de presse) où « les valeurs de lart moderne rencontrent celles du divertissement populaire ». Si lon acceptait de jouer le jeu, on était effectivement « mis à lépreuve » dune situation « où Pollock et John Wayne sont associés dans un camp militaire infernal. » On laura compris, la Biennale de Lyon 2003 était tout ce que lon veut sauf ennuyeuse. Deux derniers exemples : dune part, lenvironnement ludique de Claude Lévêque sur le thème de la poupée Barbie (dont on ne voyait quun soulier géant à talon) mêlant, au son dune valse, le spectacle de néons et de ventilateurs colorant et faisant tournoyer des voilages ; dautre part, les très curieux films de Hiraki Sawa (né en 1977, un des meilleurs représentants des jeunes invités) montrant des avions miniatures envahissant peu à peu un appartement.
Mais la peinture ? demanderont immanquablement certains. Elle était incontestablement présente, avec Christopher Wool (né en 1955 à Chicago, travaille à New York), sous la forme de très grandes compositions all-over : huit pièces conçues comme une oeuvre unique. Environnementales par conséquent, comme létaient celles de Bertrand Lavier entourant sa voiture « manipulée ». Oui, vraiment, cette Biennale était celle des pratiques singulières plus ou moins réussies, y compris sous forme peinte, dont aucune ne laissait indifférent, mais elle ne laissait évidemment aucune place à lobjet-tableau.
Cest un fait maintenant avéré : les peintres peuvent être présents dans les grands rendez-vous internationaux, mais, sauf rarissimes exceptions (il y en avait à la biennale de Venise), à la condition de renoncer à lobjet le plus caractéristique de la culture occidentale depuis le Quattrocento : le tableau.
Parmi les peintres, certains sen plaignent (ouvertement ou secrètement) mais dautres en prennent acte avec humour. Cest le cas de Yann Dugain qui vient de proposer une exposition particulièrement tonique et rafraîchissante galerie RX à Paris sous le titre « La Peinture, cest quelquun ? » et sous le pseudonyme de IAN (on peut traduire si lon veut « Institut de lArt Nul » ou bien « Nouveau »
). Il sagissait dun environnement sur deux étages, à travers lequel lobjet-tableau, précisé ment, subissait léclatement de ses composants traditionnels (éclatement bien plus radical que celui opéré jadis par les artistes de Support/Surface), la peinture se personnifiant en changeant de couleur, de support et de place au gré de la fantaisie débridée de lartiste. Un seul exemple : Yann Dugain sentend (trop) souvent demander si « ça marche la peinture ? ». Alors son alter ego IAN a peint en blanc une douzaine de paires de chaussures de sport, installées là comme dirrécusables témoins du fait que, oui monsieur, la peinture, ça marche! Le tout, naturellement, est de ne pas saccrocher à ce fameux objet-tableau dont nos décisionnaires de lart ne veulent plus et, au moins pour un temps, faire de la peinture autrement... |
Jean-Luc Chalumeau |
mis en ligne le 26/02/2004 |
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