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L'uvre, une "Référence" fiscale à visages multiples |
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par Kate Vincent |
Lors du 3ème congrès interprofessionnel de l'art contemporain / CIPAC , qui s'est récemment tenu à Nantes, a été largement évoquée la nécessité de faire évoluer les conditions d'exercice des acteurs des arts visuels en France.
A ce titre, en matière fiscale deux types d'actions sont envisageables:
- créer de nouvelles mesures incitatives
- optimiser l'usage de l'existant
Si les réflexions et revendication menées autour de l'incitation fiscale ne se sont jamais interrompues chez les professionnels concernés, il n'en est pas de même pour l'usage des textes en vigueur, qui pourtant gagnerait à subir quelques évolutions.
En effet, tant pour les artistes que pour les professionnels de la comptabilité qui les accompagnent, (Experts-comptables ou Associations de gestion agréées), l'application d'une fiscalité quasiment entièrement composée de textes dérogatoires, devient de plus en plus complexe face à la déspécialisation de la production artistique. Dans ces conditions, respecter la législation peut devenir un casse-tête pour l'artiste, et défendre ses droits lors d'un contrôle fiscal, un travail assidu sur plusieurs mois. L'économie de sa production déjà fragile, ne peut que souffrir de telles inadéquations. Ces difficultés se mesurent d'ailleurs à l'abondance de la jurisprudence de ces dix dernières années, générées par les contentieux opposant artistes et administration fiscale à propos du champ d'application de ces dispositions dérogatoires, la question récurrente étant de reconnaître ou non l'artiste ou son uvre, en tant que tel.
Pourquoi ceci?
L'histoire a vu au siècle dernier les artistes se détourner de l'Académie qui alors encadrait l'exercice de leur activité quasiment comme l'aurait fait un ordre professionnel, au profit d'une totale liberté d'être et de faire. Ceci les conduit aujourd'hui à faire face à un paradoxe lorsque, refusant tout enfermement de leur identité professionnelle dans de quelconques normes, ils revendiquent néanmoins une reconnaissance de celle-ci d'ordre sociale ou, en l'espèce, administrative. Ainsi, puisque l'artiste ne se prête à aucune classification pour ce qu'il est, c'est pour ce qu'il fait, qu'un champ de l'espace social a pu lui être attribué, et conjointement, l'accès à un certain nombre de droits spécifiques.
L'INSEE, après plusieurs détours sur les trente dernières années, a finalement défini l'artiste plasticien ainsi*: "Artiste qui, dans le domaine des arts graphiques ou plastiques, crée une uvre originale, susceptible de procurer par sa contemplation un plaisir esthétique et reconnue comme porteuse de sa propre finalité".
On remarque que dans cette définition c'est l'uvre qui porte des caractéristiques: "originale", apportant un "plaisir esthétique" et "porteuse de sa propre finalité", (c'est à dire dépourvue de qualités lui conférant un usage pratique ou matériel), et non l'artiste.
Le législateur va plus loin, indexant toute la réglementation fiscale spécifique aux arts plastiques à trois textes de référence, dont aucun ne vise à définir l'artiste :
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l'article L 112-2du Code de la Propriété intellectuelle définissant: |
les uvres de l'esprit |
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l'article 98 A-II de l'annexe III du Code Général des Impôts, définissant: |
les uvres d'art |
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le chapitre 97 du Tarif des douanes définissant: |
les objets d'art |
En d'autre terme, en tournant le dos à l'Académie qui le plaçait sous un statut très proche des actuelles professions réglementées, l'artiste plasticien s'est livré au marché et, s'effaçant devant son uvre, a perdu ainsi la prépondérance de son identité professionnelle, privant ainsi le législateur de toute unicité référentielle, comme le montre le tableau suivant:
L'échelonnement de la mise en place de ces textes dans le temps, ainsi que la recherche ponctuelle d'une logique la plus appropriée possible, expliquent également, ce référencement multiple.
Toutefois, ce tableau amène quelques remarques:
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Le régime du bénéfice moyen ne fait référence à aucune définition de la "production artistique". Il est donc d'une portée quasi illimitée.
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L'exonération de la taxe professionnelle s'applique à une population définie au sein de l'article même:
"peintres, sculpteurs, graveurs et dessinateurs considérés comme artistes et ne vendant que le produit de leur art". Ceci ne recouvre que partiellement la population relevant de l'article 98 A-II, excluant par exemple céramistes et photographes pour des raisons insondables.
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Les biens de nature artistique exonérés d'ISF et passibles de la taxe substitutive à l'imposition des plus-values, sont désignés comme "objets" et non comme "uvres" d'art. Ainsi, la photographie plasticienne, tout comme la vidéo, échappant à la liste prédéfinie des objets d'art, échapperont-elles vraisemblablement à l'exonération de l'ISF.
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Le chiffre d'affaires d'un artiste n'a pas même "valeur" au regard de la TVA, lorsqu'il s'agit de lui appliquer la franchise et le taux réduit: une partie du chiffre d'affaires peut sortir de la franchise à taux plein et une autre partie à taux réduit.
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Par ailleurs, l'examen de la jurisprudence montre que ces définitions à caractère énumératif ne suffisent pas au juge pour trancher, et qu'il va devoir rechercher l'existence de certaines notions génériques non explicites dans les textes, telles que:
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absence d'utilité pratique |
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originalité |
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unicité |
Ces définitions multiples et incomplètes de l'uvre, auxquelles s'ajoute une évolution rapide des techniques et des pratiques artistiques, ne sont donc plus propices à un usage optimisé de dispositions fiscales, pourtant initialement mises en place dans une volonté de soutien à la profession artistique.
Parallèlement à l'introduction de nouvelles mesures, notamment en vue d'une harmonisation européenne, un travail de réflexion autour de l'homogénéisation de la définition des uvres restituerait sans doute à ces dispositions, ce caractère initial.
L'Observatoire permanent de l'Art contemporain, organe défini lors du dernier CIPAC et dont le projet de création a été accueilli favorablement par Catherine TASCA Ministre de la Culture, garant d'une approche plurielle et évolutive du "champ artistique contemporain", pourrait vraisemblablement se faire le dépositaire de cette réflexion.
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par Kate Vincent
Cabinet dexpertise comptable S.F.C.
20, rue St Hilaire
94210 La Varenne St Hilaire
kvincent@club-internet.fr |
* Nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles, INSEE, 1983, p.96. |
mis en ligne le 21/01/2002 |
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