Lorsque l’on connaît l’extrême limite de la liberté de parole et d’assemblée qui prévaut en Chine (elles sont garanties par la Constitution de 1982, sous certaines réserves), on ne peut que mieux apprécier l’expérience tentée par l’artiste. Le plus succulent dans son discours, c’est bien le message final délivré à ses « Fellow Students » :
« Read, and read a lot. Open up your vision with the aid of books »
Que l’on se souvienne des gardes rouges incités à brûler les livres des auteurs classiques suffit à apprécier l’ironie de la situation. Que l’on se remémore ce jeune étudiant envoyé en rééducation à la campagne en 1970 dans le roman de Dai Sijie « Balzac et la petite tailleuse chinoise» inscrivant en cachette les phrases de Balzac sur son blouson !
Mais de quoi parle Hu Xiangqian ?
Une citation de sa performance filmée [3] :
« Let us all open a Google Map or Baidu Map in our heads
Imagine we are searching for this place where we are (…)
This is where we are standing right now.
A red, red piece of land at the edge of the world !
This is where we live. We are living at the end of the world »
Hu Xiangqian invite les lycéens à s’extraire de leur « petit bout de terre rouge au bout du monde », pour s’imaginer dans un monde plus vaste, le monde qu’il a « réussi , en tant qu’artiste international, à appréhender. On pourrait y voir beaucoup de cynisme s’il n’y avait son expérience personnelle, puisque lui-même en est issu, de ce bout du monde.
« What we need to do is to go forth
To go forth over these layers of red soil »
Étant entendu que « We », ce « nous », c’est celui des personnes directement concernées, un NOUS local, et non pas le NOUS d’une centralité ou d’un monde global.
Objet local dans objet global
Pour terminer, je voudrais restituer une question posée par l’historien
d’art Lu Mingjun au co-commissaire Philip Tinari, lors du débat-conférence
donné à la Fondation Louis Vuitton : « Pouvez-vous nous parler
du lien entre le contenu et le contenant, entre l’exposition «
Bentu » et le lieu « Fondation Louis Vuitton », qui lui,
est très positionné dans la globalisation des marchandises ? Il
parlait d’un lien conceptuel, tandis que Philip Tinari lui répondit
sur la scénographie du lieu. Ce lieu, au passage, c’est une enveloppe
« globale » que constitue l’architecture de Frank Gehry, connu
pour ses « objets flottants », a-territorialisés,
déconnectés de tout contexte local, justement. En somme, Bentu,
ce sont des objets locaux, dans un objet global.(...)
[3] Hu Xiangqian Citations issues de la vidéo visible sur le site Internet de l’artiste (http://www.huxiangqian.com/SpeechattheEdgeoftheWorld).
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