Séverine Jouve : Vous faites commencer la critique d’art au XVIIe siècle, en France. Vous avez parlé du grand peintre Giorgio Vasari et de ses célèbres Vite de più eccelenti pittori, scultori e architteti, qu’il a commencées en 1550 et complété en 1568. Vous ne le regardez pas comme un critique, pas plus que les hommes de lettres qui ont écrit des biographies ou d’autres encore qui ont suivi ses traces. Vous souligner qu’il a eu ensuite une volonté de s’emparer du grand héritage de l’art italien, de Cimabue et Giotto jusqu’à Vasari, pour le transférer dans notre pays. L’homme qui aurait permis ce renversement historique serait Nicolas Poussin. Roger de Piles et André Félibien ont été ceux qui ont cogité cette manœuvre, qui trouve un écho dans la fondation de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Comme leurs prédécesseurs en Italie, les artistes veulent montrer leurs œuvres au public. Quel genre de littérature s’attache alors ces expositions ?
Gérard-Georges Lemaire : l’origine de ces ont des dilletanti – c’est-à-dire de vrais connaisseurs, parfois des collectionneurs avisés - qui écrivent sur les artistes. Etrangement beaucoup d’abbés s’intéressent à la question. Les académiciens d’alors étaient ravi que des auteurs viennent observer leurs nouveaux travaux et puisse en faire l’éloge. Mais ce n’est pas ce qui se passe. Mais bientôt des auteurs anonymes émettent des remarques désobligeantes et des libelles parfois outranciers circulent sous le manteau pour ridiculiser l’un ou l’autre des exposants. Les artistes se sont plaints, en ont appelé à l’autorité du roi, mais rien n’a pu arrêter la vague de fond. Des esprits éclairés comment La Font de Saint-Yenne, qui a publié en 1747 ses Réflexions sur quelques causes de l’Etat présent de la peinture en France plaide pour la création d’un musée ouvert à tous comme l’était déjà le Salon, mais déclenche un véritable conflit entre les artistes et leurs critiques : il est persuadé que quiconque a le droit d’exprimer son opinion en toute liberté. Puis est arrivé Denis Diderot, qui a abondé dans son sens et qui a surtout créer un genre littéraire en soi : la critique d’art. De grands écrivains vont, surtout à partir du XIXe siècle consacrer une grande partie de leur œuvre critique à la visite du Salon, devenu le plus grand événement culturel en France, avec une aura dans toute l’Europe. Stendhal, About, Gautier, Baudelaire, Zola, Mirbeau, Maupassant, pour ne citer qu’eux, seront de grands salonniers. |