Pour répondre au concept curatorial lancé par le commissaire de l’exposition Khairuddin Hori, j'ai fait appel à la mythologie et créé une sculpture principalement composée d'argile crue. L'arbre waq-waq est un arbre mythique des contes et légendes véhiculées par les marins venus du golfe persique, qui porte, en lieu et place des fruits, des êtres humains. Il évoque la vie, l'énergie vitale de l'arbre. Le lieu qui m'est dédié au Palais de Tokyo est au sous-sol, aussi, au lieu de développer des branches aériennes pour cet arbre, je vais déployer des racines qui feront corps avec l'architecture, les poteaux et poutres, un peu comme le font les ficus sur les ruines à Angkor. De ces racines vont émerger des femmes. La sculpture peut évoluer pendant l'exposition, se craqueler, c'est une œuvre éphémère, et comme beaucoup d'installations que j'ai crées, elle sera détruite après l'exposition.
Suis-je un artiste du Sud-Est asiatique ? La notion de frontières est floue... Où se situent-elles ? Je n'ai pas de réponse à ces questions. Je suis avant tout un artiste. La question du Global South ne se pose à moi que parce que je constate une perte des savoirs. Par exemple, dans le domaine des médecines locales remplacées par les laboratoires pharmaceutiques. Nous assistons à une perte des savoirs traditionnels, et c'est un désastre.
Au Palais de Tokyo, Richard Streitmatter-Tran ne bâtit pas seulement un pont entre tradition millénaire et art contemporain, la fable qu'il convoque, celle de l'arbre waq-waq aux fruits humanoïdes, évoque également l'existence d'une terre fabuleuse, le pays Waq-Waq que les textes du XIe siècle situent parfois sur la côte est de l'Afrique, parfois en Asie du Sud-Est. Une contrée « archipélique » et transcontinentale. J'ai envie de dire, comme Edouard Glissant, un « Tout-monde »...
Myriam Dao
|