En octobre 2014 à l’occasion du mois de la photo à Paris, une partie de ton travail de la série « Mère et Fille II » a été mis en lumière, malgré toi, car il a été l’objet d’une polémique injuste se focalisant sur une image de cette série en ignorant sciemment l’ensemble de tes recherches sur la famille depuis plus de vingt ans. Nous ne reviendrons pas sur cet incident, préférant évoquer avec toi quelques-unes de tes séries qui ont émaillé ces vingt ans.
En quoi tes parents qui sont eux aussi artistes ont eu une influence dans le développement de ton travail ?
C’est de l’ordre de la transmission, une bibliothèque que mes parents ont mis très tôt à ma disposition, ainsi que des échanges artistiques quotidiens. Il y a eu l’apprentissage de la technique photographique et l’expérience du laboratoire, le développement noir et blanc. La découverte de l’histoire de l’art, de la peinture, ont influencé mon choix afin d’avoir à mon tour une pratique artistique.
Comment as-tu envisagé de travailler essentiellement sur le thème de la famille ?
Le choix du sujet s’est imposé naturellement par la disponibilité des modèles en l’occurrence mon père, ma mère, mon frère ou même les animaux domestiques. Du fait de leur propre démarche, ils sont devenus mes premiers modèles grâce à leur disponibilité et leur compréhension. L’objet du travail n’a rien à voir avec le reflet de la cellule familiale avec ses tourments intimes ou ses rebondissements relationnels, ou avec le lien biologique, mais encore moins avec le reflet de la réalité biographique. Ce qui est en question dans mon travail, c’est cette notion de transmission de la pratique artistique, langage commun intégré dans un quotidien, l’expérimentation au quotidien, la construction du regard, et le dialogue entre les différentes pratiques (peinture, photographie, dessin par exemple). C’est cet ensemble d’éléments qui a fait que je me suis intéressée à la famille plutôt qu’à un autre sujet.
C’est donc un travail avec ta famille ?
Ce n’est pas un travail documentaire. C’est un travail avec. J’ai été peinte par ma mère, photographiée par mon père, lorsque j’étais enfant et devenue adulte. Et tout naturellement je leur ai demandé d’intervenir dans mon travail. Il y avait donc une interconnexion du travail les uns avec les autres, ceux-ci répondant à ceux-là par de nouvelles propositions… Un peu comme des poupées russes. S’en suivaient également des discussions, à savoir comment représenter un enfant, un père? Le père se déguisait, se grimait, faisait des autoportraits, cela rebondissait de mon côté sur un travail par la suite d’autoportrait, avec un but tout autre.
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