New York, 14 novembre 1986
Dear Mrs Cunard,
Je viens juste de publier «Black Book», un recueil de 99 portraits d’hommes noirs. Vous devez savoir que je suis très admiratif de votre «Negro Anthology» paru en 1934, et avec l’aide d’un ami collectionneur, nous aurions le projet de le rééditer, avec votre autorisation. Bien entendu, mon nom associé au Black Book y figurerait. Qu’en pensez-vous ?
Bien à vous
Robert
Lamothe-Fénelon, 25 novembre 1986
Cher M. Mapplethorpe,
Il m’a été donné tout récemment de feuilleter votre «Black Book».
Bien que très honorée de l’admiration que vous semblez porter à «Negro Anthology», vous vous méprenez tant sur son contenu que sur la philosophie qui a guidé ce projet initié dès 1931.
Loin d’être un «catalogue de beautés nègres», comme votre «Black Book», la «Negro Anthology» tentait de rassembler des esprits, des manifestes et des portraits d’artistes et auteurs de la pensée nègre, (Langston Hughes et Zora Neale Hurston, Henry Crowder, Kenneth Macpherson, Georges Padmore, entre autres), brefs, des récits d’êtres humains.
Une impression d’exotisme devant vos images me met mal à l’aise. Je ne saurais dire ce qui me rappelle les odalisques figurant sur toute l’imagerie coloniale. Ceci va naturellement à l’encontre de tout ce que j’ai voulu faire émerger dans la «Negro Anthology».
Je connais votre travail. Rassembler des clichés mettant sur un même plan fleurs et sexes, - natures
mortes et sexes en bernes comme coupables d’exister parce que noirs, est un geste que je ne comprends pas, et que je ne pourrais cautionner. Tels ces végétaux «Orchid», «Calla Lily», et autres «Eggplant» en 1985, voisinant les «Cock» de 1986. Karl Blossfeldt n’avait pas éprouvé le besoin d’être aussi explicite que vous l’êtes avec votre «Cock and Gun» de 1982 pour suggérer les ressemblances entre plante, verge et arme.
Je dois tout de même reconnaître que vous avez porté les couleurs d’une certaine libération sexuelle, et qu’à votre manière, en provoquant la prude hypocrisie dont l’Amérique a toujours témoigné, vous rejoignez les combats vers plus d’émancipation qui furent les nôtres dans les années 30.
Salutations
Nancy Cunard |