Alors que je vois se dessiner une «Esthétique de la postcolonialité », le Jeu de Paume a invité la curatrice Erin Gleeson pour une programmation axée sur des artistes de l’Asie du Sud Est.
Au Jeu de Paume, rien n'est mis en œuvre pour effectuer un décentrement : le film de Nguyen Trinh Thi est relegué littéralement au dernier niveau de l'institution. Qui plus est, le titre du programme dans lequel la curatrice Erin Glesson a dû inscrire sa riche programmation en dit long sur la place à laquelle peuvent prétendre les artistes non-occidentaux : « Satellite ».
Nguyen Trinh Thi met en scène dans Lettres de Panduranga le peuple Cham et leur territoire l’ancien royaume Champa menacés par la construction d’une centrale nucléaire à l’horizon 2020 par le gouvernement vietnamien.
Mais d'où me vient cette impression d'exotisme ?
Dans Lettres de Panduranga , si le « local » a remplacé « l'exotique », il tend à produire le même effet : la séduction – au sens intrinsèque du mot – il nous conduit ailleurs. Dans cette proposition curatoriale d'Erin Gleeson, tous les ingrédients sont réunis : du récit à la première personne, de l’archive coloniale, un soupçon de posture d'artiste en ethnographe, mais pas trop, de la mise en abîme avec une référence à une œuvre filmique occidentale – excellent choix par ailleurs « Les Statues meurent aussi » – et enfin, un zeste de dissidence. Je m'interroge. La recette était la même avec l'artiste Khvay Samnang, dont la proposition artistique critique « L’Homme-Caoutchouc » était également inscrite dans le programme « Satellite ».
Le choix du lieu dont on parle et d'où l’on parle me laisse perplexe. Pourquoi avoir sélectionné des artistes si lointains ? Etait-ce fameux « régime de l'éloignement » dont parlait notamment Kader Attia ? Les sujets et les artistes sont si éloignés que cela ne renvoie pas DIRECTEMENT à nos problématiques nationales, qui, elles, ne seraient pas politiquement correctes. Il faut imaginer un artiste qui travaillerait sur la disparition, la persistance et/ou la résistance d'une culture menacée par des industries polluantes sur un territoire français. La Nouvelle-Calédonie ou la Guyane, au hasard…Pensez-vous que des institutions inviteraient cet artiste s’il ne parlait pas « de si loin » ?
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