Je crois que William était exactement l’opposé de ce que les gens pensent de lui. Il était très gentil, il était très timide, très humble. Il avait aussi d’autres qualités insoupçonnables, comme par exemple la compassion -, celle qu’il éprouvait par exemple pour les camés. Elles ont sans doute contribué à lui permettre d’écrire les pages magnifiques qu’il a pu écrire. De plus, c’était un vrai gentleman. J’ai commencé à le découvrir peu à peu. Il m’a beaucoup parlé de son enfance, de Purshing Street où il vivait avec ses parents, de la campagne où il a du aller pour des raisons de santé. La chose qui m’a le plus frappé, c’est la solitude qu’il a ressenti au début de son adolescence. En plus, il avait une chambre qui donnait sur le jardin derrière la maison, qui était orientée au nord ! Il le supportait relativement car il a toujours été une personne tranquille, mais il ressentis aussi le besoin de quitter cet univers bourgeois et ennuyeux. C’était une aspiration vitale pour lui. D’un côté il avait la chance d’appartenir à la classe moyenne et donc d’avoir le privilège de bénéficier d’une bonne éducation et d’avoir des loisirs, mais, d’autre part, il ne savait pas trop quoi faire. C’était bien avant les années soixante : il y avait une forme d’ignorance propre à cette classe aisée. Cette solitude a été sans doute un poids pour lui…
Et puis je dois aussi dire un mot sur sa relation personnelle aux drogues. Nous avons parlé de la nature de l’esprit et de la nature de la réalité. Burroughs, comme Brion, surtout avec le LSD, en sont venus à la conclusion que l’esprit était vide. C’était l’aboutissement de leurs recherche et leurs expériences dans ce domaine. Ils sont parvenus à cette conclusion par des voies différentes. Brion aimait les dogues hallucinogènes, William préférait l’héroïne et ce genre de choses. Ils ont forgé au Chelsea ce concept de la vacuité de l’esprit, pour le moins étrange dans notre culture, d’autant plus qu’ils n’étaient pas du tout bouddhistes. Il est vrai qu’on n’a pas besoin d’être défoncé pour parvenir à cette conscience de la vacuité de l’esprit humain. Et moi , je ne suis arrivé au bouddhisme tout de suite : j’ai longuement étudié et puis j’ai essayé de méditer. Cela a été un très long processus. Mais ma méditation appris un cours nouveau grâce à la prise de LSD avec Brion. Quand vous effectué un bon voyage, c’est absolument merveilleux. Mais si vous en faites un mauvais, cela signifie que votre esprit n’est pas prêt : vous ne faites pas un mauvais voyage parce que le LSD est mauvais, mais parce que votre esprit est mauvais ! Dans cette petite chambre d’hôtel, j’oublias mes pensées et tout ce qui me trottait dans la tête, soudain tous mes problèmes étaient évacués et les objets se changeaient en statues de Bouddha. Je sentais que j’étais en train de me réaliser. Dans ma chambre, je pouvais méditer sur tout ce qui m’encombrait l’esprit, les difficultés de l’existence, les souffrances. Tout cela s’évanouissait. »
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