Chroniques des lettres |
"Le Rêve du collectionneur" un roman de Pierre Furlan |
par Christophe
Cartier |
Pierre Furlan
Voici un roman que je trouve exceptionnel à la fois par son écriture et par son sujet. Il s’agit du Rêve du collectionneur. Je connaissais déjà Pierre Furlan, j’avais lu et aimé le roman qu’il a tiré du passage en Amérique du peintre suisse Louis Soutter (La Tentation américaine, Actes Sud) et j’avais carrément adoré les nouvelles du recueil L’Atelier de Barbe-Bleue (Actes Sud). Ce printemps, le nouveau roman de Pierre Furlan nous emmène en Nouvelle-Zélande à la suite d’un personnage curieux qui, alors qu’il voulait être artiste, s’arrange pour devenir art-thérapeute et finit par s’imposer comme un collectionneur de premier plan. Furlan a pris pour modèle un collectionneur qui a réellement existé et dont le père est connu comme l’inventeur le plus célèbre de Nouvelle-Zélande. Qu’a donc inventé ce père génial ? L’épingle à cheveux ondulée ! Avant lui, les épingles étaient lisses et tombaient des chignons. Il inventera ensuite pas mal de choses plus compliquées, entre autres le premier carburateur moderne. Et, véritable titan, il réussira dans tout ce qu’il entreprendra, y compris les sports, les arts et la finance. Ce succès sera même si écrasant qu’il paralysera ses enfants. Son fils Will (notre collectionneur) doit se débrouiller avec ce fardeau ; dans son tourment, il décide de devenir artiste. Mais son père l’étant déjà à sa manière, il lui faut prendre des chemins détournés. Il quitte la Nouvelle-Zélande, essaye la psychanalyse jungienne en Suisse (nous sommes là au début des années 1950) et devient art-thérapeute dans un hôpital psychiatrique anglais. Chemin faisant, il collectionne tout ce qui se rapporte à l’histoire du pays qu’il a quitté : tableaux, livres, objets, cartes. Au quotidien, il apparaît comme un individu attachant mais excentrique, qui croit aux fantômes et vit d’une façon assez marginale. Il y a des passages vraiment drôles sur la façon dont il applique la psychanalyse ‹ jungienne, il faut le dire. Pourtant, malgré toutes ses névroses, non seulement il arrive à constituer une collection exceptionnelle, mais il œuvre dans le bon sens, pour le bien commun. Un autre collectionneur dont il est question dans le livre se demande : "Existe-t-il des artistes involontaires comme il existe des saints qui ne savent pas qu’ils le sont ? "Question amusante, comme tant de passages de ce roman, mais plus profonde qu’il n’y paraît et qui me semble donner le ton du livre. Furlan livre ici, par touche légères, une vision du devenir artiste très pertinente pour notre époque. Le tout dans un style incisif, sans concession à la verbosité ou au laisser-aller. Il était assez normal, pour ce roman du Pacifique sud qui m’apparaît aussi par certains aspects comme un roman d’aventures, que Pierre Furlan se tourne vers Au Vent des îles, un éditeur qui s’occupe spécialement de cette région. C’est une maison d’édition qui a donné en français d’importants auteurs maoris de Nouvelle-Zélande et d’autres îles, en particulier Patricia Grace et Albert Wendt. Un livre à lire par tous les temps, en
semaine comme le dimanche. Ceux qui voudraient lire une nouvelle de Pierre
Furlan sur le Web (nouvelle intitulée " Ma route coupait droite à travers le monde ",
dans Temporel n° 4) peuvent se rendre à : |
mis en ligne le 23/05/2009 |