Avec l’ardoise, il s’agit d’une histoire bien différente.
Peu d’artistes, on le sait, on utilisé l’ardoise. Raoul
Ubac, bien entendu, et aussi Marco Del Re et Luce Delhove en Italie plus
récemment.
Mais presque personne n’a osé affronter le
défi que propose cette pierre friable et fragile : elle est parvenue à réaliser
des sculptures d’une certaine dimension (il est impossible d’imaginer
des pièces monumentales !) qui sont taillées dans un seul bloc.
Le problème est identique à celui du marbre (on songe ici aux
défis que se lançait Michel-Ange….) : une petite erreur
est fatale, irréparable. Elle a obtenu des saillies et des dégradés
subtiles et savants qui font de chacune de ses pièces des œuvres
qui doivent être regardées comme on regardait autrefois les
statues figuratives, de tous les côtés, en tournant autour d’elles.
Son ambition n’est pas technique, on s’en doute. Elle est de
soustraire à ce matériau a priori ingrat, mais ici d’un
beau noir, des paysages mentaux d’une grande richesse expressive, mais
toujours avec cette retenue qui la caractérise. Ce ne sont pas des œuvres
qui font apparaître ses sentiments et ses passions dans un élan
baroque – elles sont autant de litotes qu’on découvre
avec patience et lenteur. Les éléments plastiques qui la composent
sont là pour suggérer, non pour faire-valoir ou démontrer.
Ce n’est pas dans un écrit aussi court que je pourrais tout dire de Silva Beju. Je n’ai fait que fournir quelques pistes pour découvrir ce qu’elle a entrepris et continue d’entreprendre dans la sphère de l’art. Son cheminement est complexe et pourtant, tout ce qu’elle fait parle à l’imagination, mais n’en appelle pas à la raison, quand bien même elle a dû longtemps raisonner pour obtenir le résultat escompté. Ce qu’elle accompli mérite d’être découvert et donc d’être mieux connu – mais sa pudeur a voulu qu’elle a préféré vivre cachée, ne dévoilant les fruits de son travail qu’en de trop rares occasions.
Gérard-Georges Lemaire