Pour le salon de la Jeune Peinture 1974, dont Ivan Messac avait conçu l’affiche et dont Bernard Morteyrol était devenu président du comité, un certain renouvellement des exposants avait été opéré. On relevait à ce moment que la Figuration narrative (qui n’est ni une école ni même une tendance plastique et n’a donc pas à engendrer des disciples) n’en était pas moins en train de voir naître une seconde génération, celle-là même qui allait se retrouver avec les anciens aux « Mythologies quotidiennes 2 » trois ans plus tard. Véronique Bigo est apparue à ce moment comme une représentante intéressante de cette nouvelle génération, dans la mesure où elle utilisait l’image pour inscrire la peinture dans l’Histoire. Sa double œuvre présentée à la J.P. avait pour titre Simonetta. Contribution à la nouvelle lutte des classes. Elle synthétisait avec une pertinence particulièrement convaincante la juxtaposition temporelle, le cloisonnement et l’évolution de l’image pour parler de cette éternelle absente de la mise en jeu de son propre destin : la femme.
Juxtaposition temporelle : aux signes actuels de la turbulence d’une « libération » beaucoup plus vécue sur le mode du discours qu’accomplie dans la vie, la jolie jeune femme oppose sa frêle silhouette lointaine, médaillon serein qui attend depuis le XVIe siècle, depuis que Piero di Cosimo immortalisa Simonetta Vespucci vers 1503.
Cloisonnement : deux grandes parties séparent le tableau, qui s’ordonnent elles-mêmes en champs secondaires nettement délimités. Simonetta est enfermée dans la partie supérieure, et les formes organiques qui convergent vers elle depuis la partie inférieure sont déjà barrées par les signes rectilignes et quasi industriels des forces qui contraignent les corps et les âmes. L’élan se brisera, car les deux principaux champs ne communiquent pas.
Evolution de l’image enfin : chaque tableau renvoie à l’autre, les signes se complètent et imposent une lecture sans ambiguïté : Simonetta ne peut continuer à rêver. Les mouvements qui parlent en son nom resteront impuissants si elle ne prend pas elle-même son destin en main. Véronique Bigo a prouvé d’emblée qu’elle sait comment la peinture peut poser les grandes questions.