Omerville,
mercredi 20 et jeudi 21 juin 2007
OUVERTURE EN FANFARE
Ce soir mercredi, lété officiel commence demain. Le climat du moment le baptise à grande eau et on lintronise cette nuit, sous les parapluies, avec notre fête de la musique qui confirmera quand même, comme chaque année, à quel point ce fut une trouvaille. Une radio mapprend quon tente, grâce à des mécènes mondialisants, den étendre le modèle en commençant par les grandes métropoles et, en premier lieu, la Grande pomme (Big Apple), sobriquet américain de New York. À tous égards, cela ne paraît pas le meilleur choix, même si le statut de caisse de résonance planétaire de cette cité en forme de miroir aux alouettes est, bien entendu, une référence motrice délection pour nos mass médias. Le speaker de service que jécoute a évoqué le coup de main et linfluence des Bronfman et des médias ou activités dentertainment de leur portefeuille financier familial pour faciliter sur place les ambitions et les public relations de Jack Lang, inventeur de la fameuse nuit. Malgré ses efforts, son entregent désormais facile à imaginer et un anglais teinté de cette french touch qui fait encore chic à New York, notre promoteur de lui-même et de son excellent concept a été éconduit par le maire de la ville qui sest déclaré trop occupé. Mais, au-delà du chiffon rouge que constitue, aux Etats-Unis, létiquette politique officielle de notre ancien ministre, on raconte que des préoccupations sécuritaires auraient joué leur rôle. Si Manhattan est dabord une éternelle incendiaire, à la fois bûcher et pompier des vanités mondaines, financières, artistiques ou interlopes, lagglomération new yorkaise nen est pas moins sujette, jour et nuit, à la pression de délits et de crimes dont la variété nest plus à vanter. Enfin, quon soit maire à New York ou homme politique nimporte où, le fil conducteur efficace est celui de la réélection. Il a donc suffi au maire de New York de prendre appui sur des règlements municipaux pour calmer les enthousiasmes de notre ancien ministre de la culture et pour échapper ainsi aux désordres et aux dégâts quune pareille manifestation aurait probablement provoqués à divers titres. Nest pas Malraux qui veut et, en outre, la vie et la personnalité des quartiers et des habitants de la mégapole new yorkaise ne sont pas vraiment comparables aux nôtres, quil sagisse de lagglomération parisienne, de nos villes provinciales de toutes tailles et jusquà nos bourgs et villages. Gageons que les Bronfmann et dautres businessmen faciliteront mieux les choses pour exporter lan prochain vers les Amériques la belle invention de Jack Lang. Mais les socialistes français auront-ils alors encore besoin de lui pour gagner, et lui de nous pour lélire ? Décidément, rien nest simple.
QUAND LE NOUVEAU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
SADRESSE AUX TÉLÉSPECTATEURS
Ce soir jeudi, notre nouveau et jeune président de la République, Nicolas Sarkozy, accorde son premier entretien télévisé dune heure en sa qualité de chef dÉtat. Nous sommes curieux et attentifs en fort grand nombre. Que va raconter le politique battant et le candidat inépuisable dhier ? Comment va sy prendre aujourdhui celui dont le brio et les entretiens sans faute en ont épatés beaucoup et qui, désormais, peut parler de tout à tout le monde après avoir gagné haut la main son élection à la présidence ? Pour la première fois depuis longtemps, blasé comme on peut lêtre à mon âge, jécoute, jobserve et janalyse avec soin lanimal politique Sarkozy. Il personnalise à merveille la césure magistrale et, espérons le, salvatrice, qui vient dintervenir dans notre vie politique. Je me sens assisté par mes connaissances et mes expériences dans ce domaine, et par celles, plus professionnelles, détudiant puis denseignant et de consultant en sémiologie et en communication. Les politiciens et les journalistes se répétant depuis tant dannées en boucle et en langue de bois pour ne rien dire ou pas grand chose, je me suis assis à côté de mon whisky pour écouter avec une attention soutenue notre nouveau et détonnant président de la République. Il est toujours évoqué par les journalistes pour son style, son look agité, son agilité et son ubiquité, mais si rarement pour la teneur explicite ou implicite de propos que les journalistes ne savent apparemment même plus entendre ni lire. Et cela quil sagisse de situer et de relativiser les problèmes soulevés et den expliquer les causes pour nous les faire comprendre et quon puisse ainsi juger fondées ou non les solutions envisagées ou affirmées pour les résoudre, ce qui est pourtant leur job! Cette émission ma paru être une première saisissante, même si, depuis, elle aura sans doute disparu de la mémoire et des pensées de tout le monde ! Elle la été, à tous égards pour sa forme comme sur le fond. On souffrait aussi, nous lattendions depuis des années, pour les deux malheureux qui le questionnaient. Claire Chazal et Patrick Poivre dArvor (TF1), rompus à tout par leur métier, étaient visiblement dépassés par cette bête de scène politique formatée à laune de notre temps. Il ripostait du tac au tac, sans détours ni ménagement, à leurs sournoiseries codées et il leur retournait à son tour des taquineries codées selon leurs normes. Des arroseurs arrosés. Cela ma paru neuf, direct, peut-être navrant, mais en tout cas fort amusant. Bref, du spectacle de cirque comme on doit laimer chez TF1, et cette fois sans pub. La tête des deux interviewers pantois en disait plus long que leurs questions, même les plus perfides selon le mode journalistique, cest-à-dire cousues de câble blanc, dautant plus que leur interlocuteur a répondu avec aisance à toutes. Nicolas Sarkozy de Nagy Bocsa, président de la République française, les aura donc laissés bredouilles à répétition. Ce nétait pas son coup dessai mais ce fut de nouveau un coup de maître.
Les deux malheureux présentateurs en semblaient satisfaits - mais nous pas trop ! - comme sils avaient tenu, selon les codes et les règles de leur chaîne et de leurs maîtres, un rôle de composition plus ou moins convenu. Notre nouveau président semblait, lui, ravi davoir joué le sien en majesté, mais avec une compétence et des talents à en revendre, une vivacité à réveiller les morts et un charisme à guérir les écrouelles comme à réduire notre déficit national hors concours. Bref, il a eu leur peau. Jacques Chirac semblait à des années lumières et les opposants dépassés, du moins ceux qui navaient pas encore été enfoncés par notre jeune président triomphant. Il fut en effet excellent, par lintelligence et la cohérence de ses propos comme par son agilité dexpression, même si, sans doute, pas mal de ses lendemains finiront bien par déchanter, cest la loi du genre. Une loi que cet homme jeune ne semble pas vraiment vouloir admettre ni même envisager. Souhaitons le pour lui
Et pour nous ! Bref, un sans faute, comme il nous y avait accoutumé. On dit quil risque de tenir longtemps à ce rythme. On limagine déjà habile à retourner les faits qui viendraient contredire ses promesses et ses espérances pour souligner combien ils viendront à lévidence confirmer ses points de vue ! Cest la vie et cest la politique, vanité des vanités.
Jécoute quand même, jusquà laprèsmidi du lendemain, les commentaires des journalistes. Vacances approchant peutêtre, Ils restent à la surface pour ne pas dire quils y surnagent, cultivant le détail et non lessentiel, partiels et tendancieux, au lieu de se vouloir, comme devrait à leurs yeux lexiger leur métier dhistoriens de linstant, non indifférents, mais impartiaux, sur le contenu de lintervention et pas seulement sur sa forme. Les téléspectateurs qui lont suivie en totalité me semblent avoir été les gagnants de la partie. Ils auront pu en effet être leur propre juge et je ne doute pas quils aient plutôt partagé mes impressions et mon jugement, même si le style Sarkozy, parce quil est politiquement et follement incorrect, prête et prêtera sans doute le flanc à toutes sortes de sarcasmes. Et cela même quand il commettra des erreurs de jugement et sil doit donc se préparer à essuyer bien des échecs dans une société médiatisée sans âme ni pitié. Lennui est quen prenant à rebrousse-poil ce champion quils persistent à renvoyer dans les cordes, les journalistes et les médias, comme la dit deux Marcel Gauchet, dans sa revue LE DÉBAT (Gallimard) de lautomne 2006, en sont ainsi réduits à ne pouvoir prouver leur propre pouvoir quen détruisant le pouvoir et en lui coupant systématiquement les ailes avant même quil ait pris son essor. Les médias et les journalistes, sauf de si rares et si magnifiques exceptions, sont devenus la lèpre de nos sociétés, crécelle à la main bien sûr, comme durant la nuit du Moyen-Âge, pour nous prévenir contre leur approche. La lecture et lécoute des journalistes et des médias durant cet été de treize lunes fut souvent pour moi la caricature dune sorte davachissement de lintelligence des événements, des êtres et des choses. Le monde et la France semblaient devoir se mettre comme eux en vacances, les stagiaires faisant le reste. Certains furent dailleurs excellents, attention aux bagarres à la rentrée !
Omerville (Vexin français)
et Saint-Sauveur (île dYeu), Juillet 2007
LE MYSTÈRE DES ANNÉES DE TREIZE LUNES ÉCLAIRCI
Les paysans et les villageois de mon Vexin français où je réside à lannée, tout comme les pêcheurs et les habitants de lîle dYeu, où je passe chaque été quelque temps, ont rappelé à la modestie leurs visiteurs de passage. Ces derniers, tout en se mettant à labri de leur érudition écologiquement correcte, nourrie, actualisée et parfois exagérée en continu grâce à la TV ou à leur journal habituel, sétonnaient quand même de subir, en plein été, des pluies aussi soutenues. Un cyclone tropical, une tempête de neige, un sirocco saharien, une glaciation ou une canicule étouffante les auraient-ils moins étonnés ? Dans les deux cas, pour nous expliquer, sans en être surpris, la cause de lendurance dune pluviosité dans laquelle une très large partie du nord de la France a clapoté cet été, la partie sud se contentant de compter les orages, les Vexinois et les Islais de souche nous ont rappelé la tradition orale de leurs vérités climatiques ancestrales. Personne na évoqué ni invoqué à ce sujet les turpitudes résultant dun réchauffement climatique de la planète qui se manifeste - autrement plus vite que prévu - par tant daccidents météorologiques à répétition. On voit en France se succéder, à limproviste, exagérés, minorés ou ignorés par des météorologistes à lévidence dépassés ou instrumentalisés par les médias qui les prolongent, ciels tourmentés, alternances accélérées de périodes de fraîcheur et de canicule, de calmes plats suivis de vents soutenus à violents, ou davertissements orange de la météo nationale concernant précipitations et orages. Lensemble stimulait une jactance médiatique déversée à son tour sur ce qui est désormais devenu notre lot ordinaire. Comme disaient les commères de quartier de naguère : ya plus dsaisons, cest la bombe atomique ! En réalité, pour cet été, la raison dune persévérance pluvieuse inhabituelle, plutôt sur une large moitié nord de la France, mais ponctuellement dans pas mal dautres régions, cest en effet et simplement que 2007 est une année à treize lunes au lieu de douze ! Ces années-là, le saviez-vous, on a toujours observé, selon la sagesse populaire, une pluviosité continue à lexception des deux mois dont le nom commence par la première lettre de lalphabet. Avril fut en effet rayonnant (mais trop tôt pour nos agriculteurs du Vexin) et août majoritairement ensoleillé (mais trop tard pour les mêmes agriculteurs et pour les estivants de lîle dYeu). À Vandières en Champagne où, début juillet, je fus quelques jours châtelain chez mon professeur de toujours pour peindre en paix, réveils et crépuscules furent salués, comme presque partout dans le vignoble, trésor local, par le vacarme des turbines dhélicoptères. Ils dispersaient les fongicides destinés à protéger les précieux raisins en maturation dun oïdium redouté parce quil détruit toute récolte, à la suite de pluies récurrentes et souvent tenaces. Laissons du temps au temps, dans toutes les acceptions de ce terme, mais nous voilà peut-être mal partis !
|