Instruments de travail
En marge de lexposition Pharaons à lInstitut du monde arabe, la collection ABCdaires propose un volume signé par Sophie Labbé-Toutée & Florence Maruéjol, tout à fait utile pour sintroduire à lexercice et à la représentation du pouvoir dans lEgypte ancienne. Ce petit dictionnaire rédigé avec clarté et simplicité permet de découvrir le mode de vie des rois, des notables et des travailleurs à différentes époques, les principales dispositions de la religion et bien entendu, les rites mortuaires qui sont la clef de voûte de système. En somme, ce volume à lui seul peut aider tout un chacun à devenir un égyptologue en herbe.
La collection « Guide des arts » chez Hazan senrichit de nouveaux titres qui sont incontournables pour qui sintéresse à lart ancien et éprouve le désir den déchiffrer liconographie. Le premier, Techniques et matériaux des arts, écrit par Antonella Fuga, est absolument indispensable. Cest le vademecum de tout amateur et de tout historien qui veut se repérer dans latelier des peintres à travers le temps pour découvrir leurs secrets de fabrication.Le second de Rosa Giorgi, traite dune question religieuse traditionnelle : Les anges et les démons. A nos yeux, ce domaine semble ne pas receler beaucoup de mystères. Et pourtant, cet ouvrage nest pas de trop car il met en évidence des points de théologie qui ne sont pas forcément limpides ou évidents comme la psychomachie ou léchelle de la vertu. De lenseignement de lEglise, nous navons retenu que lessentiel et lorsquon se retrouve devant un tableau, linterprétation du sujet peut se révéler problématique. En somme les repères que cet ouvrage nous offrent ne sont jamais de trop.
La peinture a très tôt puisé dans limmense réservoir de la littérature pour trouver des thèmes ou travestir des sujets qui, sinon, auraient pu être jugés scabreux ou inconvenants. Là, avec le recul,les références sont souvent ésotériques : qui de nos jours lit Le Roland furieux de lArioste ou La Jérusalem délivrée du Tasse ? On peut le déplorer, mais cest ainsi : un dictionnaire des figures issues de la poésie ou du roman qui ont été exploitées dans lart pictural nest pas de trop. En réalité, un grand nombre de compositions sont désormais illisibles. Qui est Renaud, Armide, et qui sont les héros de Byron et de Shakespeare qui ont inspiré Delacroix et les artistes romantiques ? Qui sait encore ce que contiennent LHeptaméron de Marguerite de Navarre ou Le Songe de Poliphile de Francesco Colonna ? Personnages et scènes de la littérature de Francesca Pellegrino & Frederico Poletti doit devenir le compagnon de prédilection de lamateur dart qui ne peut pas se priver dêtre un amateur de livre. Quant aux Icônes et saints dOrients dAlfredo Tradigo ils nous permettent de décrypter les images saintes du schisme oriental qui sont loin de nous être familières.
Dans la collection « Tout lArt », Flammarion propose une excellente Iconographie de la Renaissance par Elisa de Halleux qui permet de saventurer dans le dédale des références iconographiques et des connotations philosophiques et littéraires qui se multiplient pendant cette riche période de lart italien. La mythologie classique tient une place de choix (sans elle, impossible de pénétrer la signification de ces tableaux), mais aussi la Bible, qui commence à être interprétée de manière différente.
On débat aujourdhui de lenseignement religieux. En dehors de la question confessionnelle, qui ne nous concerne pas ici, cet enseignement est absolument indispensable pour comprendre les uvres dart du passé et parfois du présent. Cest pourquoi Les Saints, des êtres de chair et de ciel de Sylvie Barnay (« Découvertes », Gallimard) est un outil absolument nécessaire à tout honnête homme (et honnête femme). Ce nest pas un petit traité iconographique, mais une étude où lauteur examine tous les aspects historiques et théologiques concernant le culte des saints. Ce culte sest installé peu à peu dès les premiers martyrs mais ne connaît son véritable essor quau cur du Moyen Age. Voilà un guide précieux pour se retrouver dans cet univers chrétien qui est pour le moins surpeuplé.
Pour les passionnés de la culture gallo-romaine et, plus généralement de lhistoire des Celtes, Jean-Paul Savignac vient de publier un étonnant dictionnaire français-gaulois à La Différence . Ce dictionnaire montre à quel point nous sommes loin, linguistiquement parlant, de nos soi-disant ancêtres !
La Grammaire des arts décoratifs de Noël Riley assistée de Patricia Bayer (Flammarion) est un assez bon cicerone pour se retrouver dans le dédales des différentes époques des arts dits mineurs, constitue une nouvelle mouture de la célèbre collection baptisée « La Grammaire des styles ». Cest en effet un livre qui na pas vocation théorique. Il a été conçu comme un guide introduisant aux différentes époques des arts décoratifs en France et à létranger, traitant non seulement des styles, mais aussi des techniques et des différentes catégories de meubles et dobjets. Il est honnêtement conçu mais pèche par une mise en page pas très heureuse. Mais le néophyte (comme dailleurs lamateur) y trouvera son compte et cest là lessentiel.
Pour accompagner lexposition du musée du Louvre, la collection « Découvertes » (Gallimard) présente un excellent Art roman par Alain Erlande-Brandenburg. Cest une introduction dune grande clarté à ce qui fut une véritable révolution dans lorganisation sociale, dans le rôle de lEglise dans la société et dans les arts qui accompagnent cet élan religieux. Dans la même collection a paru précédemment lexcellent Maniérisme, une avant-garde au XVIe siècle, de Patricia Falguières, qui démontre comment le maniérisme sest créé, sest diffusé rapidement et sest diversifié. Le sujet est complexe et lauteur a tout fait pour le rendre limpide.
Enfin il me faut signaler le très utile Guide du collectionneur de Fabien Bouglé qui est un petit vade-mecum à lusage des néophytes en matière dart. Cest clair, complet et indispensable pour ce retrouver dans ce petit monde très codé.
Lart dans tous ses états
Une vérité simpose à mes yeux : Sartre sest révélé un meilleur écrivain dans la critique dart que dans sa littérature et son théâtre. Il sest forgé très tôt une idée de lart plongeant ses racines dans la philosophie dAristote, comme le note si bien John Ireland dans ses notes sur Kean (soit dit en passant, cette adaptation dAlexandre Dumas est sans nul doute sa meilleure pièce, parce quil y a une attitude modeste) : il en soutire le concept danalogon, une théorie phénoménologique. Et, à partir de ce concept, il définit la nature paradoxale de luvre dart quil voit comme un « objet irréel » : il est en effet constitué par une volonté de limaginaire provoquant un effet dirréalisation. Il lie ce décalage révélateur à sa conception de la conscience, « condamnée à une transcendance perpétuelle, à être ce quelle nest pas et à ne pas être ce quelle est » (J.I.). Ce paradoxe se délivre selon lui sur un mode théâtral. La peinture et la sculpture sont deux de ces modes. Il a sans doute la première révélation de ce fait en 1933 quand il fait son premier voyage en Italie et quil découvre les créations du Tintoret à Venise. Cette vision du Tintoret lui tient tant à cur que, quand il retourne à Venise en 1951, il rédige une étude sur Le Séquestré de Venise, qui paraît en 1957. Quatre ans plus tard, il en produit une seconde version, qui est restée inédite et quon trouve dans le très beau catalogue de lexposition qui lui est consacré à la BNF. En 1966 paraît un essai intitulé « Saint Georges terrassant le dragon » qui sera suivi par « Saint Marc et son double », qui ne paraît quaprès sa mort. Avec Tintoret, il définit son esthétique et sa représentation du Beau. Mais il se passionne aussi pour lart de son temps. Cest Giacometti, avec lequel il se lie en 1941 qui lui fournit lopportunité de se jeter dans la bataille de la création plastique. Il écrit un premier texte en 1949 lorsquil expose à New York et un second, sur la peinture, en 1954, quand il est présenté à la galerie Maeght. Avec passion, avec une plume inspirée, il sexplique la démarche si particulière de Giacometti. Il fera de même pour Calder, Wols, Rebeyrolle, Lapoujade et quelques autres avec plus ou moins de bonheur. La pensée sur lart de Sartre est toujours considérée comme marginale dans une production gigantesque, sinon pléthorique. Et peut être na-t-il concilié son ambition dhomme de lettres et cette vision pénétrante de lesthétique que dans une uvre tardive, son Flaubert
Théâtre complet, Jean-Paul Sartre,
sous la direction de Michel Contat, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard. Sartre, sous la direction de Mauricette Berne, Bibliothèque nationale de France/Gallimard.
Les meubles de Pierre Paulin ont fait partie de notre existence pendant les années 60 et 70. A lépoque, ils ont fait leffet dune petite bombe dans le microcosme de la décoration car ils ne référaient ni à la grande histoire classique ni à la « tradition du nouveau ». Avec beaucoup de grâce, Elisabeth Vedrenne nous rappelle qui a été cet homme et surtout quelle a été son uvre. Ses fauteuils aux formes organiques, utilitaires, bien sûr, mais plus encore ludiques, avec toujours une conception « organiciste » à leur base. Mais il nest reste pas moins que les « proportions des sièges de Paulin sont caractéristiques : toujours équilibrées, précises. Il étudie les possibilités des modulables, autre spécificité de ces années bénies, comme il sied à une culture de la convivialité. »Ce petit album réveille bien des souvenirs et tout un art de vivre.
Pierre Paulin, Elisabeth Védrenne,
Assouline.
La caricature a joué un rôle fondamental dans notre histoire. Mais on a souvent la mémoire oublieuse envers ceux qui ont parfois accompagné notre vie pendant des décennies. Et elle est encore plus oublieuse quand on songe au passé. André Girard fait partie de ces dessinateurs qui ont travaillé dans les quotidiens davant guerre et qui ont commenté dune plume souvent impitoyable une actualité qui ne se présentait pas sous les meilleurs auspices. Il a dénoncé avec véhémence les dictatures qui représentaient les deux pôles principaux du totalitarisme. Le bel album publié chez Buchet/Chastel rend un hommage mérité à André Girard dont la lucidité est du même coup une critique véhémente de la classe politique des années trente.
André Girard, Danièle Delorme, Buchet/Chastel.
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