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Chroniques des lettres
Chronique de l’an V
Chroniques des lettres : Chronique de l’an V (2) par Gérard-Georges Lemaire
par Gérard-Georges Lemaire
Instruments de travail
En marge de l’exposition Pharaons à l’Institut du monde arabe, la collection ABCdaires propose un volume signé par Sophie Labbé-Toutée & Florence Maruéjol, tout à fait utile pour s’introduire à l’exercice et à la représentation du pouvoir dans l’Egypte ancienne. Ce petit dictionnaire rédigé avec clarté et simplicité permet de découvrir le mode de vie des rois, des notables et des travailleurs à différentes époques, les principales dispositions de la religion et bien entendu, les rites mortuaires qui sont la clef de voûte de système. En somme, ce volume à lui seul peut aider tout un chacun à devenir un égyptologue en herbe.

La collection « Guide des arts » chez Hazan s’enrichit de nouveaux titres qui sont incontournables pour qui s’intéresse à l’art ancien et éprouve le désir d’en déchiffrer l’iconographie. Le premier, Techniques et matériaux des arts, écrit par Antonella Fuga, est absolument indispensable. C’est le vademecum de tout amateur et de tout historien qui veut se repérer dans l’atelier des peintres à travers le temps pour découvrir leurs secrets de fabrication.Le second de Rosa Giorgi, traite d’une question religieuse traditionnelle : Les anges et les démons. A nos yeux, ce domaine semble ne pas receler beaucoup de mystères. Et pourtant, cet ouvrage n’est pas de trop car il met en évidence des points de théologie qui ne sont pas forcément limpides ou évidents comme la psychomachie ou l’échelle de la vertu. De l’enseignement de l’Eglise, nous n’avons retenu que l’essentiel et lorsqu’on se retrouve devant un tableau, l’interprétation du sujet peut se révéler problématique. En somme les repères que cet ouvrage nous offrent ne sont jamais de trop.

La peinture a très tôt puisé dans l’immense réservoir de la littérature pour trouver des thèmes ou travestir des sujets qui, sinon, auraient pu être jugés scabreux ou inconvenants. Là, avec le recul,les références sont souvent ésotériques : qui de nos jours lit Le Roland furieux de l’Arioste ou La Jérusalem délivrée du Tasse ? On peut le déplorer, mais c’est ainsi : un dictionnaire des figures issues de la poésie ou du roman qui ont été exploitées dans l’art pictural n’est pas de trop. En réalité, un grand nombre de compositions sont désormais illisibles. Qui est Renaud, Armide, et qui sont les héros de Byron et de Shakespeare qui ont inspiré Delacroix et les artistes romantiques ? Qui sait encore ce que contiennent L’Heptaméron de Marguerite de Navarre ou Le Songe de Poliphile de Francesco Colonna ? Personnages et scènes de la littérature de Francesca Pellegrino & Frederico Poletti doit devenir le compagnon de prédilection de l’amateur d’art qui ne peut pas se priver d’être un amateur de livre. Quant aux Icônes et saints d’Orients d’Alfredo Tradigo ils nous permettent de décrypter les images saintes du schisme oriental qui sont loin de nous être familières.

Dans la collection « Tout l’Art », Flammarion propose une excellente Iconographie de la Renaissance par Elisa de Halleux qui permet de s’aventurer dans le dédale des références iconographiques et des connotations philosophiques et littéraires qui se multiplient pendant cette riche période de l’art italien. La mythologie classique tient une place de choix (sans elle, impossible de pénétrer la signification de ces tableaux), mais aussi la Bible, qui commence à être interprétée de manière différente.

On débat aujourd’hui de l’enseignement religieux. En dehors de la question confessionnelle, qui ne nous concerne pas ici, cet enseignement est absolument indispensable pour comprendre les œuvres d’art du passé – et parfois du présent. C’est pourquoi Les Saints, des êtres de chair et de ciel de Sylvie Barnay (« Découvertes », Gallimard) est un outil absolument nécessaire à tout honnête homme (et honnête femme). Ce n’est pas un petit traité iconographique, mais une étude où l’auteur examine tous les aspects historiques et théologiques concernant le culte des saints. Ce culte s’est installé peu à peu dès les premiers martyrs mais ne connaît son véritable essor qu’au cœur du Moyen Age. Voilà un guide précieux pour se retrouver dans cet univers chrétien qui est pour le moins surpeuplé.

Pour les passionnés de la culture gallo-romaine et, plus généralement de l’histoire des Celtes, Jean-Paul Savignac vient de publier un étonnant dictionnaire français-gaulois à La Différence . Ce dictionnaire montre à quel point nous sommes loin, linguistiquement parlant, de nos soi-disant ancêtres !

La Grammaire des arts décoratifs de Noël Riley assistée de Patricia Bayer (Flammarion) est un assez bon cicerone pour se retrouver dans le dédales des différentes époques des arts dits mineurs, constitue une nouvelle mouture de la célèbre collection baptisée « La Grammaire des styles ». C’est en effet un livre qui n’a pas vocation théorique. Il a été conçu comme un guide introduisant aux différentes époques des arts décoratifs en France et à l’étranger, traitant non seulement des styles, mais aussi des techniques et des différentes catégories de meubles et d’objets. Il est honnêtement conçu mais pèche par une mise en page pas très heureuse. Mais le néophyte (comme d’ailleurs l’amateur) y trouvera son compte et c’est là l’essentiel.

Pour accompagner l’exposition du musée du Louvre, la collection « Découvertes » (Gallimard) présente un excellent Art roman par Alain Erlande-Brandenburg. C’est une introduction d’une grande clarté à ce qui fut une véritable révolution dans l’organisation sociale, dans le rôle de l’Eglise dans la société et dans les arts qui accompagnent cet élan religieux. Dans la même collection a paru précédemment l’excellent Maniérisme, une avant-garde au XVIe siècle, de Patricia Falguières, qui démontre comment le maniérisme s’est créé, s’est diffusé rapidement et s’est diversifié. Le sujet est complexe et l’auteur a tout fait pour le rendre limpide.

Enfin il me faut signaler le très utile Guide du collectionneur de Fabien Bouglé qui est un petit vade-mecum à l’usage des néophytes en matière d’art. C’est clair, complet et indispensable pour ce retrouver dans ce petit monde très codé.


L’art dans tous ses états

Une vérité s’impose à mes yeux : Sartre s’est révélé un meilleur écrivain dans la critique d’art que dans sa littérature et son théâtre. Il s’est forgé très tôt une idée de l’art plongeant ses racines dans la philosophie d’Aristote, comme le note si bien John Ireland dans ses notes sur Kean (soit dit en passant, cette adaptation d’Alexandre Dumas est sans nul doute sa meilleure pièce, parce qu’il y a une attitude modeste) : il en soutire le concept d’analogon, une théorie phénoménologique. Et, à partir de ce concept, il définit la nature paradoxale de l’œuvre d’art qu’il voit comme un « objet irréel » : il est en effet constitué par une volonté de l’imaginaire provoquant un effet d’irréalisation. Il lie ce décalage révélateur à sa conception de la conscience, « condamnée à une transcendance perpétuelle, à être ce qu’elle n’est pas et à ne pas être ce qu’elle est » (J.I.). Ce paradoxe se délivre selon lui sur un mode théâtral. La peinture et la sculpture sont deux de ces modes. Il a sans doute la première révélation de ce fait en 1933 quand il fait son premier voyage en Italie et qu’il découvre les créations du Tintoret à Venise. Cette vision du Tintoret lui tient tant à cœur que, quand il retourne à Venise en 1951, il rédige une étude sur Le Séquestré de Venise, qui paraît en 1957. Quatre ans plus tard, il en produit une seconde version, qui est restée inédite et qu’on trouve dans le très beau catalogue de l’exposition qui lui est consacré à la BNF. En 1966 paraît un essai intitulé « Saint Georges terrassant le dragon » qui sera suivi par « Saint Marc et son double », qui ne paraît qu’après sa mort. Avec Tintoret, il définit son esthétique et sa représentation du Beau. Mais il se passionne aussi pour l’art de son temps. C’est Giacometti, avec lequel il se lie en 1941 qui lui fournit l’opportunité de se jeter dans la bataille de la création plastique. Il écrit un premier texte en 1949 lorsqu’il expose à New York et un second, sur la peinture, en 1954, quand il est présenté à la galerie Maeght. Avec passion, avec une plume inspirée, il s’explique la démarche si particulière de Giacometti. Il fera de même pour Calder, Wols, Rebeyrolle, Lapoujade et quelques autres avec plus ou moins de bonheur. La pensée sur l’art de Sartre est toujours considérée comme marginale dans une production gigantesque, sinon pléthorique. Et peut être n’a-t-il concilié son ambition d’homme de lettres et cette vision pénétrante de l’esthétique que dans une œuvre tardive, son Flaubert…
Théâtre complet, Jean-Paul Sartre,
sous la direction de Michel Contat, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard. Sartre, sous la direction de Mauricette Berne, Bibliothèque nationale de France/Gallimard.

Les meubles de Pierre Paulin ont fait partie de notre existence pendant les années 60 et 70. A l’époque, ils ont fait l’effet d’une petite bombe dans le microcosme de la décoration car ils ne référaient ni à la grande histoire classique ni à la « tradition du nouveau ». Avec beaucoup de grâce, Elisabeth Vedrenne nous rappelle qui a été cet homme et surtout quelle a été son œuvre. Ses fauteuils aux formes organiques, utilitaires, bien sûr, mais plus encore ludiques, avec toujours une conception « organiciste » à leur base. Mais il n’est reste pas moins que les « proportions des sièges de Paulin sont caractéristiques : toujours équilibrées, précises. Il étudie les possibilités des modulables, autre spécificité de ces années bénies, comme il sied à une culture de la convivialité. »Ce petit album réveille bien des souvenirs et tout un art de vivre.
Pierre Paulin, Elisabeth Védrenne,
Assouline.

La caricature a joué un rôle fondamental dans notre histoire. Mais on a souvent la mémoire oublieuse envers ceux qui ont parfois accompagné notre vie pendant des décennies. Et elle est encore plus oublieuse quand on songe au passé. André Girard fait partie de ces dessinateurs qui ont travaillé dans les quotidiens d’avant guerre et qui ont commenté d’une plume souvent impitoyable une actualité qui ne se présentait pas sous les meilleurs auspices. Il a dénoncé avec véhémence les dictatures qui représentaient les deux pôles principaux du totalitarisme. Le bel album publié chez Buchet/Chastel rend un hommage mérité à André Girard dont la lucidité est du même coup une critique véhémente de la classe politique des années trente.
André Girard, Danièle Delorme, Buchet/Chastel.

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mis en ligne le 28/08/2005
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